Bannissement de l’amiante : la MRC est inquiète

Inquiète des discussions entourant le bannissement de l’amiante au Canada, la MRC des Appalaches avait envoyé, le 5 décembre dernier, une lettre au premier ministre Justin Trudeau, l’enjoignant de considérer les conséquences économiques d’une telle décision.

«Depuis plusieurs dizaines d’années, la valorisation des résidus miniers suscite de l’intérêt compte tenu du volume important de résidus accumulés dans notre région.  C’est pourquoi nous avons la conviction que d’importants projets de transformation des résidus miniers seront mis de l’avant dans les prochaines années.  À ce sujet, il est important de spécifier qu’à même ces résidus miniers, déjà trois entreprises opérantes et créatrices d’emplois fabriquent des produits finis ne contenant aucune trace d’amiante», peut-on lire dans la missive.

Les élus ont également demandé au premier ministre qu’il intervienne personnellement pour qu’il s’assure que la valorisation des résidus miniers conserve son plein potentiel de développement, ainsi que de création de richesse et d’emploi.

«Il faut être bien conscient que bannir l’amiante a des conséquences économiques importantes pour notre région, mentionnent-ils. Il faudra donc agir avec beaucoup de responsabilités. À ce titre, nous partageons le point de vue et les demandes de l’Alliance de la fonction publique du Canada qui demande de fournir une aide à la transition des entreprises, des collectivités, des travailleuses et travailleurs touchés par l’interdiction.  L’interdiction représente la fermeture définitive de l’industrie minière dans notre région, sans aucun potentiel de résurrection à moyen ou long terme.»

Par ailleurs, ils soulignent les pertes de revenus fonciers pour les Municipalités. «On parle donc d’évaluation générale et permanente de la valeur des actifs miniers taxables sur le territoire par les municipalités, ce qui représente des pertes de revenus annuels pour ces collectivités.»

De plus, les élus soutiennent qu’il existe des opportunités intéressantes à saisir dans ce contexte comme la valorisation des résidus, la transformation des sites miniers en lieu historique, la revalorisation du patrimoine minier, la conversion et la réhabilitation des installations minières et la stimulation de l’entrepreneuriat et le développement d’entreprises locales. Ces opportunités ne sont, selon eux, réalisables qu’avec un support financier substantiel du gouvernement canadien.

«Des enjeux importants se dégagent pour notre région dans un contexte de bannissement définitif de l’amiante. Nous souhaitons donc que vous ayez pu bien saisir notre degré d’inquiétude et que vous saurez nous accompagner dans les étapes à venir. Nous souhaitons une rencontre d’échange constructif à ce sujet», concluent les élus de la MRC des Appalaches.

Le maire réagit à la nouvelle de vendredi

Vendredi dernier, Radio-Canada affirmait que le premier ministre devrait bientôt annoncer que l’utilisation de l’amiante sera dorénavant interdite au Canada. Le maire de Thetford Mines, Marc-Alexandre Brousseau, a réagi à cette nouvelle en entrevue avec le Courrier Frontenac.

«Nous sommes encore dans une situation où est-ce qu’il y a des gens qui n’ont absolument pas prévu comment leurs décisions prises à Ottawa toucheraient les communautés directement concernées. Ils vont apprendre en lisant nos réactions, s’ils prennent la peine de les lire, qu’il y a 400 millions de tonnes de sable de résidus miniers ici. Ils vont dire que ce n’est pas pour ça qu’ils le font, mais ça reste que ça nous touche de façon importante. Dans ces 400 millions de tonnes, il y a un gigantesque potentiel industriel. Ces résidus sont omniprésents dans notre communauté», soutient le maire de Thetford Mines, Marc-Alexandre Brousseau.

Les normes de sécurité entourant la présence d’amiante se sont resserrées au cours des dernières années et plusieurs mesures sont présentement appliquées pour assurer la santé des travailleurs.

«Nous connaissons la situation parfaitement. Ils n’ont jamais vu d’amiante de leur vie, mais de notre côté nous avons vu une quarantaine d’échantillons d’air différents avec toutes les données pour que l’on sache vraiment c’est quoi l’incidence sur la santé des gens. Nous sommes capables de démontrer ce qu’il en est des risques alors qu’ils n’en ont aucune espèce d’idée», poursuit le maire.

Il précise que les intervenants au dossier vont essayer de faire adapter le projet de loi afin qu’il soit le moins dommageable possible. Il souligne néanmoins qu’une telle interdiction pourrait couter cher au gouvernement puisque la région aura besoin de plus qu’un fonds de 50 millions $ dans le but de se remettre de la fin de cette industrie. Il espère que des oreilles attentives se manifesteront malgré les pressions contraires assez évidentes.

«Ça fait longtemps que nous avons compris qu’il y a une pression contre l’amiante qui est extrêmement forte parce qu’il n’y a plus aucun bon sens dans ce dossier. Il n’y aucune donnée scientifique d’importance, c’est uniquement de la politique qui se fait par des gens qui ont décidé qu’ils ne voulaient rien savoir de l’amiante.»

Le Canada suit la tendance

Le Canada, qui a déjà été l’un des principaux producteurs d’amiante au monde, l’a utilisé pour de nombreuses constructions de bâtiments et de routes. Le pays en importe encore même si la dernière mine en son sol a été fermée il y a cinq ans, soit la mine Jeffrey à Asbestos, en Estrie. Selon le Congrès du travail du Canada (CTC),  les importations d’amiante au pays ont augmenté ces dernières années, leur valeur étant passée de 4,7 à 8,3 millions de dollars de 2011 à 2015. Il est principalement utilisé pour la fabrication de freins et de tuyaux.

 

En interdisant ce minerai, le Canada suivrait donc la tendance mondiale. En effet, plus d’une cinquantaine de pays, dont la majorité des nations européennes, ont déjà interdit tout produit à base d’amiante en raison des risques pour la santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sous toutes ses formes, y compris le chrysotile, l’amiante est cancérogène pour l’être humain.

Enfin, selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, l’amiante est encore aujourd’hui la principale cause de décès chez les travailleurs.