CHSLD du Lac-Noir : un projet pilote qui ne fait pas l’unanimité

Le Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches (FIQ-SPSCA) dénonce vigoureusement la décision du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS-CA) de participer au projet pilote que s’apprête à mettre en place le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) visant à recourir à la téléconsultation en CHSLD.

À compter du début mars et pour une période de six mois, des tablettes électroniques seront utilisées pour compenser l’absence d’infirmières sur certains quarts de travail dans les établissements de moins de 50 résidents situés à l’extérieur des grands centres. Ce sera le cas aux CHSLD de Sainte-Perpétue et du Lac-Noir dans le secteur Black Lake à Thetford Mines.

L’infirmière bachelière de garde pourra être jointe par l’infirmière auxiliaire et le personnel d’assistance sur place afin d’effectuer, depuis son domicile, une consultation auprès d’un résident à l’aide d’une tablette. Cette méthode de faire est loin de plaire au président du syndicat, Laurier Ouellet.

« Un iPad ne soignera jamais une personne âgée. Si quelqu’un tombe, elle va l’évaluer avec une tablette électronique? C’est complètement ridicule. Même si l’infirmière devra se trouver à un maximum de 30 minutes de distance, qui va lui donner les premiers soins? L’infirmière auxiliaire sur place est très performante, mais elle a des champs de pratique limités. Elle ne peut pas donner d’intraveineuse ni réanimer. Il y a plein de choses qu’elle ne peut pas faire. En plus, la responsabilité sur le dos des infirmières auxiliaires va devenir énorme. Elles vont risquer leur licence tous les jours », a-t-il mentionné au Courrier Frontenac.

Selon lui, d’autres alternatives ont été proposées afin de maintenir des soins humains et de qualité auprès de cette clientèle vulnérable. « Quand le ministère dit qu’il manque d’infirmières, ce n’est pas vrai. Le CISSS-CA vient d’en prendre 25 dans les CHSLD de la région pour les placer à des postes de cadres. Ces personnes ne sont plus sur le plancher. Elles travaillaient dans les unités de soins et maintenant elles sont dans un bureau. Nous avons proposé de les remettre sur le plancher. En faisant cela, il n’y en aurait plus de problématique en Chaudière-Appalaches. Ensuite, les jeunes infirmières engagées ne font pas de fins de semaine et travaillent seulement de jour. Elles ne sont jamais envoyées dans les CHSLD. À l’heure actuelle, le CISSS-CA supprime même des postes d’infirmières dans Les Etchemins », a-t-il déploré.

Laurier Ouellet croit que ce projet pilote va à l’encontre des ratios sécuritaires en CHSLD et de la mise en œuvre d’une cible annuelle d’heures-soins par lit prévue à la convention collective. Il estime qu’il s’agit d’un manque de respect envers les personnes hébergées et la population. Ce dernier craint même qu’il finisse par devenir la norme. « Le CISSS-CA nous répond qu’il va utiliser les tablettes occasionnellement et exceptionnellement. C’est faux! Ils ont dit la même chose quand nous avons dénoncé il y a un an la garde à domicile. Le protecteur du citoyen a d’ailleurs indiqué que c’était abusif. Il y a certains CHSLD où 80 % du temps il n’y avait pas d’infirmières sur place. C’est ça qui va arriver. Je pense qu’ils veulent que ça devienne comme des maisons privées où les soins sont plus ou moins bien donnés. Ce n’est pas vrai que nous allons avoir un deuxième Manoir Liverpool ou un autre CHSLD Herron en Chaudière-Appalaches », a-t-il exprimé.

Enfin, M. Ouellet se demande comment la directrice nationale des soins et services infirmiers et la directrice des soins infirmiers du CISSS-CA peuvent cautionner ce qu’il considère comme étant une aberration.

Campagne de peur

Le CISSS-CA estime que ce dépliant produit par le syndicat se veut une campagne de peur.

Pour sa part, la directrice des soins infirmiers au CISSS-CA, Liliane Bernier, estime que le syndicat mène actuellement une campagne de peur. Elle a d’ailleurs été « choquée » en voyant le dépliant que le syndicat a fait distribuer cette semaine dans le Publisac.

On y aperçoit à travers une tablette électronique une dame âgée couchée dans son lit avec un masque à oxygène. « Ce n’est pas une image que l’on va retrouver dans un CHSLD. Il s’agit d’une situation unique qui va se vivre dans un centre hospitalier. Si pour différentes raisons, la personne était dans cette instabilité, on s’entend qu’il y aurait la présence d’une infirmière sur place. Penser qu’une tablette peut remplacer une infirmière, c’est un manque de considération auprès de nos infirmières auxiliaires qui sont sur le plancher », a-t-elle soutenu.

À son avis, la participation du CISSS-CA au projet pilote est une opportunité de trouver des solutions pour pallier le manque de ressources. « À Black Lake, il s’agit d’un milieu rural où nous avons des difficultés de recrutement de personnel, entre autres sur le quart de nuit. En allant vers ce projet, cela nous permet d’avoir une infirmière accessible, mais via téléconsultation. L’infirmière auxiliaire, c’est quand même une professionnelle qui est en mesure de donner des soins sécuritaires. Il ne faut pas oublier aussi le temps supplémentaire obligatoire qui épuise nos troupes. »

Mme Bernier a précisé que plusieurs critères d’inclusion et d’exclusion seront considérés. « Un patient qui est souffrant ou que sa médication est mal ajustée, une personne en fin de vie ou qui a un trouble de comportement, ce sont tous des cas pour lesquels on ne mettra pas la téléconsultation. La clientèle doit être stable. »

Elle a ajouté que même si l’infirmière n’est pas physiquement sur place, l’infirmière auxiliaire présente pourra toujours intervenir rapidement. « Elle peut exécuter certains gestes techniques, mais sous l’ordre de l’infirmière bachelière qui peut donner ses directives afin qu’il y ait une prise en charge immédiate et ensuite se déplacer sur les lieux. S’il advient que le problème de santé devienne plus grave et que la vie de la personne est menacée, qu’elle soit là physiquement ou non, c’est automatiquement le 911 et l’ambulance dirige le patient vers le centre hospitalier. Les gens ne seront pas moins en sécurité », a-t-elle dit.

Mme Bernier a tenu à rappeler que la téléconsultation est un outil utilisé dans le réseau de la santé depuis plusieurs années. « Nous l’avons encore plus vécu avec la pandémie. Il y a plein de gens qui ont eu accès à leur médecin de famille via la technologie. Ce n’est pas une nouvelle pratique. »

En ce qui a trait aux infirmières ayant obtenues des postes de cadres, elle souligne que c’est un peu moins de 25, contrairement à ce que prétend le syndicat, et que plusieurs exercent d’autres professions. « C’est vrai qu’il y en a quelques-unes. Ce qui aurait été dommage dans ce type de processus se voulant de l’avancement de carrière, c’est que nous aurions mis de côté ces personnes qui répondaient aux exigences de l’emploi parce qu’elles sont infirmières. »

Enfin, Liliane Bernier a soutenu que la majorité des nouvelles infirmières travaillent une fin de semaine sur deux et que plusieurs d’entre elles sont en CHSLD. « Quand elles commencent dans la profession, la plupart du temps elles sont sur le quart de nuit, ensuite sur ceux de soir et de jour. Nous sommes à une époque où les gens peuvent avoir la liberté de choisir où ils veulent travailler, dans telles spécialités et auprès de telles clientèles. Nos besoins sont tellement grands que nous voulons les retenir en répondant aussi à leur profil. »