Le cri du cœur d’un toxicomane

Carl Dallaire, un résident de Thetford Mines, dénonce les délais requis pour obtenir un traitement à la méthadone.

L’homme de 37 ans est toxicomane. Il s’injecte depuis plus de deux ans de la morphine sur une base quotidienne et tente maintenant de reprendre sa vie et sa santé en main. Il souhaite adhérer à un traitement à la méthadone, mais aucun médecin ne serait en mesure de lui prescrire ce médicament dans la MRC des Appalaches. Le plus près exercerait dans la Beauce.

Aux prises avec d’intenses douleurs, le Thetfordois d’adoption, qui ne possède pas de véhicule pour se déplacer, est parvenu à se présenter à trois reprises à l’hôpital dans le but d’obtenir de l’aide. «La première fois que nous sommes allés à l’urgence, le 18 septembre, nous avons expliqué la situation et le médecin lui a prescrit du Dilaudid (analgésique narcotique) et du Rivotril (servant à traiter les troubles convulsifs). Carl a obtenu des comprimés de morphine de 1 mg, alors qu’il s’en injectait environ 25 mg par jour. Donc, le médicament ne lui fait rien», a mentionné sa conjointe qui préfère conserver l’anonymat.

Au moment d’écrire ces lignes, l’ancien Victoriavillois était en sevrage depuis quatre jours. «Je souffre. J’ai plein de symptômes physiques. J’ai de la difficulté à parler et à marcher. Ce n’est pas normal que ça prenne autant de temps pour avoir droit à un traitement. Un toxicomane a le temps de mourir», a-t-il dit.

M. Dallaire a tenu à préciser qu’il ne blâme pas l’hôpital de Thetford Mines. «Le médecin m’a écouté et m’a prescrit ce qu’il pensait être le mieux pour moi, mais pour obtenir un traitement à la méthadone, est-ce qu’il faut attendre d’être mort avant d’y avoir droit? Ils veulent m’envoyer en thérapie, mais je ne veux pas y aller. Je veux quelque chose qui va me donner mon “buzz” sans que je sois obligé de m’injecter. La situation actuelle me porte vers la rechute», a indiqué M. Dallaire.

Pour contrôler les effets du sevrage, celui-ci ingurgite des centaines de comprimés de narcotiques qui lui sont donnés par tout un chacun. Lors de notre visite au domicile du couple, le vendredi 30 septembre, nous avons compté 125 cachets. «Si vous revenez lundi après-midi, il n’y en aura plus. Il y en a entre autres pour calmer ses crises d’angoisse, pour dormir et pour soulager ses douleurs musculaires. Quand il prend cela, il donne l’impression d’un gars saoul. Nous ne le laissons pas sortir seul par peur qu’il se fasse frapper», a confié la conjointe de Carl Dallaire.

Le couple déplore le fait qu’aucun médecin de Thetford Mines ne puisse actuellement le prendre en charge et lui prescrire de la méthadone. «Quand un toxicomane veut s’en sortir, l’aide n’est pas disponible dans la région. Sans qu’il y ait un médecin spécialiste à l’hôpital 24 h sur 24, tous les jours, il pourrait y en avoir au moins un sur appel de disponible lorsqu’il y a des cas comme celui-là.»

Carl Dallaire ne croit pas être en mesure de continuer bien longtemps son sevrage si rien ne bouge rapidement. «Plus ça va aller, plus les effets seront pires. Dans trois semaines, il sera trop tard. Si je n’obtiens pas de méthadone, je vais retourner dans la rue me “shooter”. Je ne m’en sortirai jamais seul. J’ai besoin d’aide», a-t-il expliqué.

Le CISSS-CA interpellé

Contacté à ce sujet, le Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (CISSS-CA) a fait savoir que l’offre de services du programme dépendance de son organisation comporte un volet pour aider les personnes ayant une dépendance aux opioïdes (morphine, fentanyl héroïne, etc.).

La personne qui formule une demande au programme doit se soumettre à un processus d’évaluations spécialisées, tel que précisé dans les lignes directrices du Collège des médecins du Québec. Une telle démarche vise à statuer sur l’indication de la mise en place d’un traitement de substitution, la présence ou non d’autres problèmes de santé et un plan de traitement adapté à la personne.

Toujours selon le CISSS-CA, les médicaments de substitution utilisés sont très contrôlés et peuvent être très dangereux si utilisés inadéquatement par un usager, mélangés avec d’autres médicaments ou si administrés à autrui. La notion de sécurité est primordiale.

De plus, un permis «spécial» est nécessaire pour le médecin qui désire prescrire un traitement de substitution. Ce n’est donc pas tous les médecins qui peuvent le faire. Trois médecins sont habiletés et autorisés à suivre cette clientèle pour la région de Chaudière-Appalaches. Celle-ci est donc parfois amenée à devoir se déplacer dans le cadre du suivi médical au programme.

La région serait l’une des plus rapides en termes d’accessibilité à ces services. Plus d’une cinquantaine d’usagers bénéficient actuellement du programme sur le territoire.