Une fusion qui passe mal à l’hôpital de Thetford

Mise à jour : La fusion « temporaire » des unités de médecine et de chirurgie est prolongée

Le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de l’hôpital de Thetford ainsi que le personnel infirmier demandent à la direction du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (CISSS-CA) de faire marche arrière entourant la fusion temporaire des unités de médecine et de chirurgie. Ils s’inquiètent de l’impact sur la qualité et la sécurité des soins offerts aux patients.

Depuis le 26 mai dernier, et ce, jusqu’au 15 octobre, les dix lits disponibles à l’unité de chirurgie située au quatrième étage ont été déplacés à l’unité de médecine se trouvant au troisième en raison du manque de personnel, principalement d’infirmières. D’après le CISSS-CA, cette mesure se veut temporaire et permettra aux diverses équipes de prendre des vacances cet été.

Bien que le CMDP soit d’accord à ce que le personnel puisse se reposer, il voit toutefois les choses autrement. Plusieurs médecins et autres membres du personnel soignant ont d’ailleurs tenu un point de presse devant l’hôpital, le mardi 7 juin en matinée, pour manifester leur mécontentement.

« Cette décision a été prise par la direction de façon unilatérale sans qu’il n’y ait de consultation valable auprès du corps médical et du personnel soignant au préalable. Plusieurs enjeux sont présents, incluant la démotivation du personnel qui est plus grande que jamais, le temps supplémentaire obligatoire, l’insatisfaction face à l’organisation du travail étant donné que les équipes ne sont pas bien intégrées l’une à l’autre, ainsi que l’environnement des soins qui ne seraient pas optimal pour les patients en chirurgie », a mentionné le représentant du CMDP, Dr Nicolas Dorval.

Selon lui, le déménagement a été fait de façon rapide et chaotique pour éviter le temps supplémentaire obligatoire, mais sans réel changement sur la charge de travail. L’organisation qu’il représente craint d’ailleurs plusieurs départs en raison du manque de motivation. « Cela pourrait causer la perte de l’expertise et de l’expérience du personnel infirmier en place et provoquer la non-réouverture de l’unité de chirurgie en octobre. Il s’agit de notre principale crainte. Nous réclamons le transfert des patients chirurgicaux sur leur unité dédiée afin de prévenir des complications médicales et maintenir le personnel infirmier en place. »

Dre Édith Lepire craint que cette solution temporaire devienne permanente. (Courrier Frontenac – Jean-Hugo Savard)

Alors que le ministère de la Santé demande aux établissements de prendre les bouchées doubles pour diminuer les retards en chirurgie, le CMDP a rappelé que dix lits ont été fermés en février dernier sur une capacité de 20 et que cette situation devait durer seulement deux mois. À l’heure actuelle, ils le sont toujours en raison du manque de personnel. « Nous craignons que cette fermeture temporaire du département de chirurgie devienne permanente et que les patients soient obligés d’aller ailleurs. Une personne qui a besoin de soins comme une prothèse de genou, elle ne peut pas retourner à la maison immédiatement. Présentement, nous pouvons hospitaliser seulement deux patients par jour parmi toutes les spécialités. Avant la pandémie, nous

Dre Audrey Godbout estime que le CISSS-CA doit réagir immédiatement. (Courrier Frontenac – Jean-Hugo Savard)

pouvions en faire une dizaine à certains moments », a déploré Dre Édith Lepire, anesthésiste.

Le bateau coule

D’après Dre Audrey Godbout, leader chirurgicale à l’hôpital de Thetford Mines, le CISSS-CA doit réagir tout de suite avant que le bateau ne se retrouve au fond de l’eau. « Il faut écouter les gens sur le terrain. Nous ne sommes pas capables d’hospitaliser des gens. Ça n’a aucun sens. Les ressources humaines sont gérées ailleurs. J’ai demandé il y a trois jours qui était la responsable des ressources humaines ici et personne n’a été en mesure de me répondre. Ce n’est pas normal. Je pense que c’est là-dessus qui faut mettre l’accent. Il est important de bien traiter le personnel, être présent sur le terrain et voir ce qui se passe afin de corriger les erreurs immédiatement. Nous demandons d’ailleurs l’autogestion des horaires. »

La meilleure décision dans les circonstances

De son côté, le directeur général adjoint au CISSS-CA, Marco Bélanger, a indiqué que cette décision de regrouper temporairement les deux unités a été prise dans le contexte critique de pénurie de main-d’œuvre et que l’objectif est d’éviter l’épuisement des troupes, ainsi que les probabilités d’avoir recours au temps supplémentaire.

« Actuellement, nous croyons qu’il s’agit de la bonne stratégie sous l’angle de préserver notre personnel. Nous sommes toujours en mode échange et ouverture. Avec tous les éléments que nous avons et le nombre de ressources humaines en place, c’était la solution à envisager. Nous sommes toutefois prêts à nous rasseoir avec tout le monde. »

Il ajoute que la direction du CISSS-CA entend rester proche des équipes sur le terrain afin de voir comment cela se passe et si des alternatives sont possibles en cours de route. « Nous sommes très sensibles à cela. Notre vision, c’est vraiment de rouvrir les lits fermés. Malheureusement, nous ne sommes pas capables de prévoir une date puisque nous sommes dépendants de notre recrutement. Dès que nous serons en mesure de rouvrir des lits, nous le ferons. »

D’après l’organisation, il manquerait quatre infirmières, deux infirmières auxiliaires et deux préposés aux bénéficiaires par 24 heures de travail pour maintenir l’unité de chirurgie ouverte.