Drame à Vimy-Ridge : la douleur toujours aussi vive 60 ans plus tard

Le 2 septembre 1963, le village de Vimy-Ridge situé entre Thetford Mines et Saint-Joseph-de-Coleraine était le théâtre d’un horrible drame ayant entraîné la mort de cinq enfants âgés entre six et neuf ans. Solange Dupuis, Catherine Grégoire, Bruno Laflamme, Jean-Luc Martin et Bruno Turgeon ont été ensevelis vivants sous plusieurs tonnes de roc alors qu’ils observaient les travaux de remplissage des fondations du futur chalet des sports érigé par la Municipalité. 

Paulette Turgeon, alors âgée de neuf ans, est la seule à s’en être sortie pratiquement indemne. Malgré le temps passé, elle a confié au Courrier Frontenac être encore habitée par l’événement. « Tous les 2 septembre, vers 13 h 10, je deviens les yeux pleins d’eau. C’est plus fort que moi. La douleur est toujours aussi vive. Elle ne s’estompe pas. C’était atroce! »

En cette journée de la fête du Travail, peu après l’heure du dîner, un groupe d’enfants occupait le plancher construit sur les fondations et regardait les manœuvres de déchargement d’un camion (Euclid) de 35 tonnes qui fut prêté par la mine Normandie et conduit par Germain Lessard. Soudainement, le véhicule lourd a basculé et le chargement s’est renversé. Le tout a cédé sous le poids et cinq enfants ont été complètement ensevelis. Mme Turgeon a quant à elle été enterrée jusqu’à la taille. 

« Je me souviens quand je suis tombée. J’entendais des gens crier et le bois craquer. Un moment donné, j’ai perdu connaissance et quand je me suis réveillée, j’avais le visage plein de sang. J’ai regardé en haut de moi et je voyais une roue arrière du camion qui tournait. Des personnes sont venues à ma rescousse. Dès que nous nous sommes éloignés, l’Euclid s’est enfoncé. Si j’étais demeurée sur place 30 secondes de plus, je n’aurais probablement pas survécu », a expliqué Mme Turgeon. 

Même si elle n’a subi que quelques entorses et égratignures, le traumatisme était bien présent puisqu’en plus d’avoir perdu des ami(e)s, elle venait de voir son cousin Bruno et sa petite cousine Solange mourir. « On dirait que le village est devenu mort en même temps. Pendant environ huit ans, je m’y rendais pratiquement chaque jour. Je m’asseyais et j’allais voir où je me trouvais. Je pleurais tout le temps. À cette époque, nous n’avions pas accès à de l’aide psychologique comme c’est le cas aujourd’hui. Des questions demeurent encore sans réponses. Je me demande ce qu’ils seraient devenus dans la vie et où ils seraient rendus. Est-ce qu’ils auraient des enfants? Cela me revient tout le temps en tête. Tous les 2 septembre au matin, les images défilent et je repense à mon père qui me disait de ne pas aller jouer là. »

Quant au conducteur du camion, il n’a subi que des blessures mineures. « Il a eu le temps de sauter et il s’en est sorti avec quelques égratignures. Je me souviens qu’il criait pour savoir s’il y avait des jeunes. Il pensait que nous avions eu le temps de nous éloigner, mais ça s’est passé tellement vite. Il s’en voulait énormément. Je pense que des gens ont compris que c’était un accident, mais il n’aurait pas fallu que nous soyons à cet endroit », a exprimé Mme Turgeon.

Depuis, le chalet des sports a été reconstruit. Le petit parc qui se trouve à proximité a été nommé « Le parc des  »5 » » en mémoire des victimes. Une croix blanche avec le nom des enfants a aussi été installée. « J’y vais parfois et dès que je me trouve à l’intérieur du bâtiment, je prends un grand respire et je ressens tout. Je revis en quelque sorte cette journée. Je demeure maintenant à Thetford Mines et chaque fois que je passe à Vimy-Ridge, je ne peux pas m’empêcher d’y jeter un coup d’œil. Je ne pourrai jamais oublier un tel événement », a-t-elle conclu.