Dure bataille pour un ancien travailleur de la construction

Normand Boissonneault, un résident de 48 ans de Beaulac-Garthby, se bat depuis maintenant quatre ans afin d’obtenir les indemnisations de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNÉSST), anciennement la CSST, auxquelles il estime avoir droit. 

L’ancien charpentier-menuisier travaillait depuis près de 15 ans pour une entreprise de Thetford Mines. Éprouvant des douleurs aux épaules depuis deux ou trois ans, il a décidé de consulter son médecin de famille le 10 janvier 2013.

Après un examen sommaire en cabinet, la Dre Suzanne Dion pose un diagnostic de tendinopathie, tout en informant son patient qu’elle va le soumettre à des examens de résonance magnétique dans le but d’en savoir davantage sur sa réelle condition, en vue de poser un diagnostic précis. Le 1er mai de la même année, son médecin l’informe qu’il souffre d’une tendinose sévère avec déchirure partielle de la coiffe des rotateurs bilatérale. M. Boissonneault reçoit alors un certificat médical indiquant qu’il ne peut plus retourner au travail.

Les rapports médicaux sont transmis à la CNÉSST le 16 août 2013, sans que la preuve permette de savoir qui du médecin ou du patient les a acheminés. Un mois plus tard, le patient produit sa demande d’indemnisation à la CSST, mais celle qui est rejetée le 1er octobre au motif qu’il ne s’agit pas d’une maladie professionnelle.

Le résident de Beaulac-Garthby porte alors cette décision en révision administrative une première fois et la CSST confirme la décision précédente. Il s’adresse en décembre à la Commission des lésions professionnelles, maintenant le Tribunal administratif du travail (TAT), qui rejette à son tour la contestation de l’appelant en la déclarant irrecevable puisque la réclamation du travailleur a été produite le 18 septembre 2013, en dehors du délai prescrit à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et sans motifs raisonnables.

C’est alors que M. Boissonneault se tourne vers la Cour supérieure qui, elle aussi, rejette sa demande de révision judiciaire. Il décide de poursuivre sa bataille en s’adressant cette fois à la Cour d’appel du Québec, soit le plus haut tribunal de la province qui, contrairement à toutes les autres instances, a décidé en mai dernier d’accueillir favorablement la demande de l’ancien travailleur de la construction, d’annuler le jugement de la Cour supérieure et de renvoyer le dossier au Tribunal administratif du travail pour qu’il décide du bien-fondé de la réclamation.

Il faut savoir que, selon les calculs de la Commission des lésions professionnelles, le dépôt de la demande d’indemnisation a été fait plus de six mois après la première consultation médicale (huit mois et une semaine), mais à moins de six mois du diagnostic plus précis posé en mai 2013, soit quatre mois et demi. Selon la Cour d’appel, le retard était plutôt d’à peine un mois, en prenant la date de la première consultation médicale et celle de la production des rapports médicaux à la CNÉSST. Elle estime que celui-ci est modeste et qu’il y avait alors lieu de relever M. Boissonneault de son retard pour la production de sa réclamation. Le TAT rendra une nouvelle décision d’ici les prochains mois.

Un vent d’optimisme

Rencontré par le Courrier Frontenac, Normand Boissonneault s’est dit confiant d’obtenir gain de cause dans ce dossier, bien qu’il essaie de ne pas trop se faire d’attentes. «Aujourd’hui, ma maladie a été reconnue et la Cour d’appel du Québec a statué que le délai pour produire ma demande n’était pas déraisonnable. Si ma réclamation est refusée, j’aimerais bien savoir sur quoi ils vont se baser.»

L’ancien travailleur de la construction a ajouté que son but n’est pas nécessairement d’obtenir des montants d’argent. «Je voulais que ma maladie soit reconnue et que l’on me dise que j’ai droit à cela. Peu importe qu’ils me donnent des indemnités ou pas, je pense à plus tard. Si dans cinq ans mes épaules me font signe que je ne peux plus rien faire, au moins mon dossier sera valide. Les médecins me disent que ma situation n’ira pas en s’améliorant.»

Le résident de Beaulac-Garthby, qui estime avoir dépensé près de 37 500 $ en frais d’avocats et en consultations de spécialistes de la santé, espère que le jugement rendu par la Cour d’appel aidera d’autres travailleurs se trouvant dans une situation similaire. «Quand les gens voient tout de suite en partant le mur auquel ils se frappent, ils changent d’idée. J’espère que la décision de la Cour d’appel changera la donne pour ceux qui veulent courir la chance d’affronter ça. Je peux vous dire que ça prend des couples solides parce que ce n’est pas toujours évident. Nous avions des économies et elles ont toutes passé là-dedans. Ça fait quatre ans que nous attendons. C’est beaucoup trop long», a déploré Normand Boissonneault.

Ne jamais abandonner

Dans ce dossier, M. Boissonneault a fait appel à l’avocat Marc Bellemare pour le représenter. Celui-ci estime qu’il est important que les travailleurs victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle aillent jusqu’au bout dans le processus. «Il ne faut jamais abandonner devant les obstacles que la CNÉSST met sur notre route. C’est ce qu’elle souhaite, voir les accidentés baisser les bras face aux délais et aux embuches. Je répète à mes clients que ce n’est pas parce qu’un dossier est long à régler qu’il n’est pas bon.»

Il est d’avis que le plus haut tribunal au Québec a fait savoir au TAT que son analyse était déraisonnable et qu’il ne pouvait rejeter cette réclamation pour une simple question de délai. «La Cour d’appel du Québec a retenu que le travailleur Boissonneault n’avait rien à se reprocher et que la loi devait être interprétée de façon généreuse pour les travailleurs accidentés.»

Une excellente nouvelle

Pour la directrice du Comité d’appui aux travailleurs et travailleuses accidentés de la région des Appalaches (CATTARA), Nancy Laliberté, la décision de la Cour d’appel est très positive pour les travailleurs. «Plusieurs dossiers étaient systématiquement refusés par la CNÉSST en raison du délai à déposer une réclamation, comme c’était le cas de M. Boissonneault, lorsqu’il s’est présenté à nos bureaux. Ne restera plus qu’à espérer que l’enseignement du plus haut tribunal de la province sera mis en application dès maintenant au bénéfice de nous les travailleurs.»