Important projet pilote près du lac Aylmer

L’Association pour la protection du lac Elgin (APLE), l’Association des résidents du lac Aylmer (ARLA) et la Municipalité de Stratford, en collaboration avec la Fiducie de recherche sur la forêt des Cantons-de-l’Est (FRFCE), travaillent sur un projet pilote visant à tester un modèle de plantation d’arbres à faible densité en milieu agricole.

Celui-ci s’inscrit dans la création d’un réseau regroupant près de 20 sites localisés sur des terrains privés de la Montérégie, de l’Estrie, du Centre-du-Québec et de Chaudière-Appalaches. Les propriétaires et des bénévoles, après une brève formation et selon un protocole commun, effectuent la préparation du terrain, la pose du paillis de plastique en champ, la mise en terre des arbres, puis la confection et la pose des protecteurs anti-cervidés.

Photo Benoit Truax

L’objectif est d’amasser des données afin de découvrir les essences les mieux adaptées à la région pour réduire l’érosion des sols ainsi que l’apport de nutriments et de sédiments vers le lac Aylmer. Sur le plan de la recherche, le projet qui a obtenu une subvention de 5000 $ du Fonds bassin versant de la MRC du Granit vise également à quantifier la séquestration du carbone et des nutriments par les différentes espèces d’arbres et à maximiser la biodiversité face à l’incertitude liée aux changements climatiques.

Le propriétaire de la ferme Bovi-Suisse à Stratford, Reto Hostettler, a accepté d’y participer en cédant des parties de sa terre se trouvant tout près du lac Aylmer. Il y sera planté 300 arbres de dix essences différentes, en cinq blocs de 100 mètres de long par cinq mètres de large. Les arbres choisis sont des feuillus de valeur (chêne blanc, chêne rouge, chêne à gros fruits, caryer cordiforme, caryer ovale, noyer noir, tilleul d’Amérique, érable à sucre et micocoulier occidental). Ils alterneront aux cinq mètres avec deux cultivars de peuplier et permettront la production de noix et de glands, de fleurs (tilleul) et de petits fruits (micocoulier) ainsi que de la biomasse (peupliers) et des bois de qualité (chênes, noyers). Ces cinq blocs seront répartis stratégiquement le long des fossés agricoles.

Plusieurs bénévoles, les associations ainsi que les élus de Stratford sont mobilisés pour le travail de plantation. En plus de sa terre, M. Hostettler a aussi donné de son temps. Pour le producteur, il était important de s’impliquer dans ce projet.

« Nous sommes l’une des dernières fermes aussi près du lac. Les agriculteurs se font souvent pointer du doigt en premier concernant la pollution de l’eau. C’est une façon de faire notre part et peut-être d’inciter d’autres fermes à faire pareil si ça fonctionne », a-t-il indiqué.

Un vaste projet

C’est une rencontre entre Benoit Truax, Ph.D., de la FRFCE et Lucie Domingue, présidente de l’APLE, il y a environ trois ans, qui est à l’origine de ce projet à Stratford. « Nous avions fait une synthèse de nos travaux à Eastman. Il y avait plusieurs membres d’associations, dont Mme Domingue. Elle m’a approché et m’a demandé si ce ne serait pas intéressant de développer des projets similaires sur les bandes riveraines dans son secteur », a raconté M. Truax en entretien avec le Courrier Frontenac.

Benoit Truax, Ph.D. (Photo Julien Fortier)

Les travaux ont commencé il y a quelques semaines, mais une recherche comme celle-ci ne se termine pas en quelques mois. Il faudra au minimum cinq ans afin d’en mesurer les impacts et beaucoup plus dans le cas de certaines espèces. « Si le financement est là, il y aura plusieurs mesures précises qui pourront en découler. Par exemple, nous pourrons connaître l’apport réel des exploitations agricoles. Présentement, il y a très peu de données fiables sur les bandes riveraines au Québec. Il ne faut pas croire que nous réglons tous les problèmes en plantant des arbres. C’est un projet beaucoup plus vaste que cela », a précisé Benoit Truax.

Le but est davantage la collecte de ces données qui pourraient servir à mettre en place des politiques mieux adaptées et qui auront des impacts positifs sur la qualité de l’eau et de l’environnement. « Si le modèle ne passe pas, même si nous avons raison scientifiquement, nous aurons échoué. L’idée est de créer un modèle réaliste pour le Québec. Nous voulons qu’à terme, le gouvernement soit impliqué puisqu’il va falloir qu’il modifie des règlements et des lois », a expliqué M. Truax.

Un autre objectif est l’implication de la communauté. C’est pourquoi les associations et les agriculteurs en sont des parties prenantes dit le chercheur. « Ils ont tous leur rôle à jouer. On peut pointer le milieu agricole, mais les riverains sont aussi des grands pollueurs d’un lac. L’urbanisation des étendues d’eau au Québec est un phénomène majeur. »

M. Truax a tenu à remercier Reto Hostettler qui s’est impliqué dès le départ. Il a également souligné le soutien de la communauté et des associations. « C’est une nouveauté pour moi. Je suis déjà allé dans des assemblées publiques où les agriculteurs et les villégiateurs ne s’entendaient pas. Souvent, il y a une méfiance entre les deux. Si ça peut marcher à Stratford, ce sera un beau modèle et une belle vitrine pour les autres lacs et cours d’eau du sud de la province qui sont aux prises avec les mêmes problèmes : algues bleu-vert, déboisement des berges, érosion et réchauffement de l’eau », a-t-il conclu.