La division règne au conseil municipal de Beaulac-Garthby

Depuis déjà plusieurs mois, les citoyens de Beaulac-Garthby sont témoins lors des séances publiques du conseil municipal d’un climat de travail toxique autour de la table des élus. L’ancien maire Jean-Sébastien Bergeron a démissionné de son poste en avril dernier et les remous se sont poursuivis après l’arrivée de son successeur, Gilles Drolet.

Les conseillères Christina Pinard et Manon Jolin réclament maintenant l’intervention du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), de la Commission municipale du Québec (CMQ) et du député provincial François Jacques en raison de présumées irrégularités concernant le maire Gilles Drolet, allégations qui ont d’ailleurs été qualifiées de complètement fausses de la part de ce dernier qui les accuse de vouloir attaquer sa crédibilité.

Les conseillères Christina Pinard et Manon Jolin (Courrier Frontenac – Jean-Hugo Savard)

Les conseillères lui reprochent de se placer régulièrement en position de conflit d’intérêts, de tenir systématiquement les élus municipaux à l’écart de la prise de décision en limitant et en contrôlant l’information leur étant transmise avant et pendant les réunions, d’imposer sa volonté aux élus et aux fonctionnaires municipaux et/ou de faciliter l’atteinte à la réputation de ceux qui osent exprimer des opinions en contradiction avec la sienne. Ces allégations auraient fait l’objet d’une dénonciation auprès de la CMQ, laquelle serait demeurée sans suite jusqu’à présent.

Les élues déplorent un type de gestion à sens unique. « Quand nous posons des questions, nous nous sentons intimidées parce que nous voyons que cela dérange. Parfois, les réponses que nous avons sont humiliantes. Il y a un manque de transparence dans les processus. Nous ne pouvons pas voter sur des règlements si nous n’avons pas les réponses à nos questions. Nous devons rendre des comptes à nos citoyens », a mentionné Manon Jolin, lors d’un entretien avec le Courrier Frontenac.

« Nous avons besoin d’aide pour avoir une éthique de travail et une équipe. Nous ne pouvons pas continuer à travailler dans l’opposition comme ça. C’est malsain et épuisant. […] Je ne comprends pas pourquoi ça prend une faute grave avant qu’ils [le MAMH, la CMQ et le député] puissent intervenir », a renchéri Mme Pinard.

Le maire Drolet partage quant à lui un tout autre avis. « Lorsque nous sommes en atelier de travail, il y a des discussions et des échanges sur les informations qui sont pertinentes pour une prise de décision éventuelle. Les travaux sont ensuite amenés en séance publique. Les moments où il y a eu une absence de communication, c’est lors de l’assemblée extraordinaire pour la nomination du nouveau directeur général, le choix d’une firme d’ingénieur pour des travaux de réfection de certaines rues, l’achat d’un camion de pompier et les droits de signature accordés au nouveau directeur général. […] Dans toutes les autres occasions, elles ont toujours eu la documentation nécessaire. »

Christina Pinard et Manon Jolin ont expliqué que depuis son élection, le maire Drolet et deux autres membres du conseil siègent sur le comité des ressources humaines en l’absence de la direction générale et prennent donc des décisions importantes pour ensuite les faire approuver en séance publique. Le congédiement de l’ancienne directrice générale et l’embauche de son successeur ont d’ailleurs suscité beaucoup de questionnements. « Habituellement, les membres de ce comité se rencontrent et ensuite soumettent au conseil leurs principales recommandations. Ils ne jouent pas un rôle décisionnel. Ce qui se passe présentement, c’est qu’ils prennent des décisions et ensuite nous les imposent », a déploré Mme Pinard.

Le maire de Beaulac-Garthby, Gilles Drolet (Courrier Frontenac – Jean-Hugo Savard)

À ce propos, Gilles Drolet a expliqué que cette situation se voulait temporaire. La période de transition entre le départ de l’ancien maire et son arrivée aurait fait en sorte que des personnes ont été placées dans des postes stratégiques alors qu’elles n’avaient pas les compétences requises. Précisons que c’est la conseillère Christina Pinard qui assurait à ce moment l’intérim à la mairie. « L’administration précédente avait nommé une directrice générale qui exerçait le rôle d’un commis comptable, une adjointe qui agissait à titre de trésorière et le travail d’une directrice générale était confié à une firme externe, tout cela sous le chapeau de l’amitié et du bonheur des employés. »

Quant à l’embauche du nouveau directeur général, le maire a soutenu que sa nomination s’est déroulée selon les règles de l’art. « Nous avons fait de l’affichage avec la description des fonctions et la rémunération, puis nous l’avons laissé pendant trois semaines. Nous avons reçu cinq candidatures. Vous comprendrez que dans un processus de sélection où nous avons des gens déjà en poste dans d’autres emplois, nous ne dévoilons pas leur identité. Le comité des ressources humaines a fait l’analyse. La personne retenue avait une plus grande expérience dans le domaine municipal. »

D’après lui, la structure mise en place au cours de l’été est venue chambouler beaucoup de choses. « Exceptionnellement, nous avons dû nous réunir sans représentant de la Municipalité, mais depuis l’entrée en poste du nouveau directeur général, il fait partie intégrante du comité. »

Par ailleurs, la conseillère Pinard a affirmé être en processus de procédures judiciaires contre M. Drolet. Elle l’accuse de faire de la diffamation à son endroit via « La feuille de chou du maire » qu’il a envoyé aux citoyens par la poste à quelques reprises où il fait plusieurs mises au point. Ce dernier n’a pas voulu commenter ce dossier.

Les conseillères Christina Pinard et Manon Jolin disent vouloir être davantage impliquées dans le mode décisionnel de la Municipalité et demandent au maire d’être plus transparent et inclusif. « Nous sommes tous égaux. Nous comprenons qu’il a un rôle à jouer, mais ce n’est pas normal de sentir une autorité au-dessus de nous parce qu’en bout de ligne nous avons tous le même pouvoir. Nous avons été élus par et pour les citoyens, et pour la municipalité. »

Gilles Drolet a quant à lui précisé que cette situation ne date pas d’hier et que c’est pour cette raison que l’ancien maire a décidé de quitter son poste. « Ce n’est pas mon arrivée qui a créé cela. Elles se prononcent et sortent toutes sortes de choses qui sont complètement hors sujet dans le seul but de me discréditer. Si elles avaient voulu occuper le poste à la mairie, elles n’avaient qu’à se présenter. Elles ont eu l’opportunité et elles ne l’ont pas fait, mais elles voudraient tout contrôler. »

Il réfute d’ailleurs le manque de transparence qui est reproché aux autres membres du conseil. « Si vous avez remarqué leur attitude et leur comportement en assemblée publique, imaginez en atelier privé. C’est difficilement soutenable des gens qui n’arrêtent pas de crier, de pointer du doigt et d’accuser les autres à tort. Ces personnes pensent détenir le monopole de la vérité. »

Malgré cette lourdeur au sein du conseil municipal, Gilles Drolet anticipe les prochaines années avec optimisme. « Notre objectif est de faire en sorte que Beaulac-Garthby puisse croître, mais pour cela, nous avons besoin d’acteurs compétents. Je pense que tous les projets mis en attente dans le passé sont sur la voie d’avancement à une vitesse accélérée. Je vais travailler avec tout le monde de la même façon et les gens vont avoir les informations quand ce sera le bon moment. Quant aux deux conseillères, cela va dépendre de leur attitude et de leur comportement. Actuellement, des gens essaient d’aller à la pêche pour tout le temps prendre les autres en défaut. À vous de faire la part des choses à savoir qui a le plus de crédibilité. Ce n’est pas à moi d’en juger », a-t-il conclu. 

NDLR : Interpellés à ce sujet, le MAMH et le député de Mégantic, François Jacques, ont indiqué que c’est à la CMQ d’intervenir dans ce type de dossier. Au moment de publier, le Courrier Frontenac n’avait pas obtenu de réponse de la CMQ.