La victime de François Lécuyer réclame une peine exemplaire

L’homme d’affaires et ancien propriétaire des Blue Sox de Thetford, François Lécuyer, devra patienter encore quelques semaines avant de prendre le chemin de la prison pour avoir fraudé, en 2014, la physiothérapeute Lucie Drouin. L’accusé l’avait convaincue d’investir 722 000 $ en immobilier en retour d’importants rendements.

Alors que la juge Marie-Claude Gilbert devait prononcer la peine mercredi après-midi, le témoignage de la victime est venu brouiller les cartes. François Lécuyer avait plaidé coupable en échange d’une peine d’emprisonnement de 18 mois et le remboursement de la moitié de la somme volée. 

Bien qu’elle s’est dite « chanceuse » d’avoir pu récupérer une partie de son argent, soit environ 321 000 $, Lucie Drouin estime que la suggestion commune datant de 2021 n’est pas raisonnable. Elle réclame une peine exemplaire et dissuasive. La plaignante souhaite également une ordonnance de dédommagement afin de pouvoir récupérer les sommes qui lui sont encore dues.

Le prononcé de la peine a finalement été reporté afin de permettre à la juge d’analyser la demande de la victime, et à l’avocat de l’accusé de vérifier la véracité de nouvelles informations soumises par Mme Drouin voulant que les pertes financières rattachées à la fraude tournent autour de 1,2 million $. Le dossier reviendra devant la cour le 11 septembre afin de fixer une nouvelle date pour les observations sur la peine.

De lourdes conséquences

Lucie Drouin a pris la parole pendant plus d’une heure et demie afin de relater les conséquences du crime dans sa vie.

En introduction, elle a confié avoir été profondément perturbée par cette fraude qu’elle a qualifiée d’imprévisible, imprégnée de méchanceté humaine, d’immoralité et d’injustice. Elle a ajouté que cela a affecté sa vie et celle de toute sa famille, et que cet épisode douloureux a déclenché un choc dont elle dit vivre encore les effets post-traumatiques. 

Lucie Drouin a déclaré avoir été naïve de croire les promesses de François Lécuyer lorsqu’il l’a convaincue en 2014 de retirer un montant de 722 000 $ de ses placements, incluant les Régimes épargnes études de ses deux enfants, pour l’investir avec lui dans l’immobilier en retour d’un rendement nettement supérieur aux institutions financières. 

Selon la victime, cette offre lui avait été présentée comme un privilège pour la récompenser des cinq ans de commandite et de bénévolat au sein de son équipe de baseball. Elle a ajouté s’être sentie en confiance puisque François Lécuyer était, à son avis, dépeint comme un homme d’affaires prospère dans les médias de la région puisqu’il se faisait photographier aux côtés de personnalités publiques comme des politiciens.

Tout a basculé le 24 mars 2015. Alors que Lucie Drouin venait de subir ce jour-là une intervention chirurgicale, François Lécuyer en aurait profité pour l’appeler sur son lit d’hôpital et lui annoncer que les remboursements attendus n’auraient pas lieu comme prévu quelques jours plus tard, prétextant que « l’impôt » était chez lui, que tous ses comptes étaient gelés et qu’il ne savait pas quand ce serait réglé. 

C’est à ce moment qu’elle a craint s’être fait voler son argent. Une agence de recouvrement a été mandatée et Lucie Drouin a indiqué avoir déboursé près de 44 000 $ pour récupérer seulement 25 000 $.

Elle a déclaré que François Lécuyer l’accusait de harcèlement, de menaces et de salissage lorsqu’elle lui réclamait son argent par messages textes, appels ou huissiers. Elle a également soutenu avoir été victime de menaces et de violence psychologique de la part de son fraudeur. Lécuyer l’aurait notamment avertie avoir des contacts au sein des Hells Angels et des  »Italiens ». Elle a partagé avoir dû faire appel à une agence spécialisée puisqu’elle craignait pour sa sécurité et celle de ses enfants.

Après s’être fait miroiter de possibles remboursements pendant plusieurs mois, c’est en mars 2016 qu’une plainte officielle est déposée à la Sûreté du Québec et une enquête policière s’en est suivie. La femme de 54 ans a souligné que la perte de son fonds de pension lui a causé un stress financier énorme alors qu’elle était mère monoparentale et qu’elle comptait sur cet argent afin de lui assurer une paix d’esprit pour ses vieux jours.

François Lécuyer a été accusé de fraude en mars 2019. Pour Lucie Drouin, cette période où elle a dû traverser toutes les démarches du processus judiciaire a été éprouvante émotionnellement, physiquement et psychologiquement. Elle a souligné avoir été obligée de cesser de travailler pendant les deux années qui ont suivi la fraude, laissant sa clinique de physiothérapie plonger dans le déficit.

La victime a qualifié François Lécuyer comme étant un artiste de la fraude à la Ponzi qui consiste à prendre des sommes appartenant à un investisseur pour payer de faux rendements à d’autres ou simplement pour rembourser ceux qui veulent récupérer leur argent.

Pendant toutes ces années, Lucie Drouin a raconté avoir honte d’être une victime et peur d’être ridiculisée et humiliée tellement elle se sent coupable de s’être fait avoir par un expert de la fraude. Elle a également dénoncé le train de vie élevé dont François Lécuyer a pu bénéficier depuis les neuf dernières années ainsi que le transfert de son équipe de baseball à son fils de 15 ans le printemps dernier, plutôt que de prendre l’argent d’une éventuelle vente pour la rembourser.