«Une bonne nouvelle pour les consommateurs»

La ministre de la Justice et ministre responsable de l’Office de la protection du consommateur, Stéphanie Vallée, a présenté la semaine dernière un projet de loi afin d’actualiser les règles entourant le crédit. L’annonce a été accueillie favorablement par l’Association coopérative d’économie familiale – Appalaches-Beauce-Etchemin (ACEF-ABE) qui travaille depuis de nombreuses années pour que de telles modifications soient apportées.

Le projet de loi n°134 vise principalement à moderniser des règles relatives au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation.

«Nous sommes évidemment contents, c’est une bonne nouvelle pour les consommateurs. J’ai commencé à travailler dans le mouvement en 2010 et déjà à cette époque on parlait de la phase 3 de la modernisation de la loi sur la protection du consommateur. Pour ce projet de loi, ils ont pris la phase 3 et l’ont séparé en deux. Ils ont inclus les dispositions les plus urgentes», affirme François Décary, directeur de l’ACEF-ABE.

Selon lui, la mesure la plus importante est à propos de l’offre de crédit par des compagnies, notamment sur le Web. En effet, le projet de loi prévoit un encadrement plus strict des fournisseurs à coût élevé qui accordent des prêts à des consommateurs ayant une mauvaise cote de crédit, ainsi qu’à des commerçants offrant des services de règlement de dettes et qui suggèrent des solutions souvent coûteuses aux consommateurs, sans offrir de garantie de résultat.

 «C’est assez simple, si je te prête un montant, ma façon de faire de l’argent avec toi c’est par un taux d’intérêt. Toutefois, plusieurs détournent la loi en chargeant des frais de courtage même si le courtier et le prêteur, bien qu’ils soient deux entités différentes, sont au fond la même compagnie. À la fin, tu vas avoir reçu 500 $, mais en plus de te charger des taux d’intérêt élevés, te charger des frais de courtage est de 250 $. Tu te retrouves alors avec des taux d’intérêt qui dépassent les 200% par an. La nouvelle loi viendra encadrer cette pratique. Ils ne pourront plus charger de frais pour le service de référencement à un courtier», explique François Décary.

Ce dernier souligne que ce type de cas est assez récurrent. D’ailleurs, seulement jeudi dernier, il en avait reçu deux la même journée. «Les gens à qui ça arrive sont souvent déjà pris à la gorge donc cela vient ajouter un autre stress.»

Autres mesures

Parmi les autres mesures se trouvant dans le projet de loi, mentionnons un resserrement des règles relatives aux représentations faites aux consommateurs. «Par exemple, les publicités de voitures ne pourront plus dire seulement ce que ça coûte par jour ou par semaine. Ils devront aussi inclure le prix total et le mettre en évidence. Ça existait déjà, mais maintenant ce sera beaucoup plus clair», indique François Décary.

Par ailleurs, le paiement minimum d’une carte de crédit atteindra progressivement 5 % du solde au lieu de 2 %. «Desjardins l’avait déjà fait il y a quelques années, mais ils sont allés trop vite et des consommateurs ont quitté vers d’autres institutions financières. Desjardins avait donc reculé et je les comprends parce qu’ils ne se battaient pas à armes égales. Avec la nouvelle loi, ce sera 5 % pour tous. Ça va obliger les consommateurs à se contraindre un peu plus alors c’est bien», estime M. Décary.

La nouvelle loi vise également à obliger les commerçants à mieux prendre en compte la capacité de rembourser des consommateurs avant d’accorder du crédit. «C’est quelque chose de très important que nous voulions depuis longtemps. Si le prêteur conclut un contrat de crédit quand même sans faire une évaluation, il perdra le droit à son taux d’intérêt. C’est excellent pour le consommateur», précise le directeur de l’ACEF-ABE.

Enfin, le projet de loi propose un encadrement des programmes de fidélisation, par l’interdiction de faire expirer des avantages accumulés à titre de points ou de «miles». Des dispositions sont aussi prévues pour qu’un consommateur puisse annuler des achats faits à distance, par Internet ou par téléphone, dans un délai de sept jours suivants la réception de son état de compte, s’il constate que des sommes pour lesquelles il a été mal renseigné lui ont été facturées.

Malgré qu’il y a présentement un gros avancement, M. Décary déplore que cela ait pris autant de temps avant d’en arriver là. Selon lui, l’une des causes du délai est le jeu de chaise musicale au ministère responsable. Il dénonce aussi le fait que certaines dispositions n’aient pas été retenues.

«Ils ont enlevé des choses un peu plus politiques, comme les publicités sur le crédit dans les CÉGEPS et universités qui devaient faire partie de la phase 3. C’est sûr que les institutions financières ne détestent pas aller faire des publicités sur ses cartes de crédit sur ces lieux, mais l’endettement étudiant atteint déjà des seuils inquiétants.»

Néanmoins, François Décary est confiant que ces mesures aient rapidement des impacts positifs. «C’est un grand pas en avant pour les consommateurs», conclut-il.

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