Yvon Garneau, une carrière sous le signe de l’investigation
PORTRAIT. Qu’ont en commun le journaliste, l’avocat et le coroner? Un immense besoin de connaître le fond des choses, selon le coroner Yvon Garneau. Tour à tour, il a pratiqué ces professions, motivé par la passion, la sensibilité à la misère humaine et l’envie de faire évoluer les mœurs.
Le parcours de cet homme né à Thetford Mines n’est pas banal. Après avoir rencontré d’importantes personnalités et rapporté des drames humains durant près d’une décennie sur les ondes radiophoniques à Montréal et à Drummondville, Yvon Garneau a un jour décidé d’aller explorer le milieu de la justice plus en profondeur en étudiant le droit en bonne et due forme.
«Mon patron de l’époque, Serge Turgeon (le comédien), me disait : «Retourne à l’école. Un bon journaliste devrait être spécialisé. Comme le côté enquête m’intéressait énormément, je suis allé étudier le droit».
Or, les nombreux souvenirs de drames humains qu’il avait jadis entendus dans le salon funéraire appartenant en copropriété à son père l’ont rapidement fait bifurquer vers la défense des hommes et des femmes injustement accusés d’une action criminelle. Il a saisi au vol la première opportunité, en droit de la jeunesse. Le droit criminel est arrivé par la suite.
Fascinantes investigations
Ce qui l’a ensuite motivé à porter le chapeau de coroner? Depuis longtemps, l’avocat nourrissait une véritable fascination pour l’investigation, surtout les enquêtes menées par le CSI (Crime Scene Investigation). «Mais la réalité est toute autre. Notre travail, ce sont les décès tragiques : mort violente, accident, intoxication.» Le criminaliste devenu coroner Garneau n’a jamais mené d’enquête publique. Son mandat : investiguer sur les causes d’un décès.
Yvon Garneau a officiellement pris sa retraite l’an dernier. Mais il est vite retourné investiguer sur le terrain. En alternance avec le coroner Martin Sansfaçon, il continue donc son boulot à temps partiel. Passion, quand tu nous tiens!
En dix ans de pratique, son travail de coroner lui a fait investiguer sur toutes sortes d’histoires et bien des drames. «Des émotions, j’en ai eues. On ne peut pas rester froid et de glace. Surtout en présence d’enfants», confie le coroner Garneau, en rappelant la triste histoire des trois enfants de Sonia Blanchette.
Il garde un vif souvenir du drame survenu le 5 mai 2011 dans la petite localité de Saint-Edmond-de-Grantham où un père a décidé de se suicider en entraînant dans la mort deux de ses trois enfants. Cette histoire l’a marquée et il déplore que certains médias aient traité le drame avec force et détails.
Changer les choses
Son travail dans le milieu de la justice, Yvon Garneau l’a vu comme une belle opportunité d’intervenir afin de faire changer des choses. Habile communicateur et vulgarisateur, connaissant bien la mécanique législative, il a fait des recommandations à Québec plus d’une fois. Parfois dérangeantes.
On se souviendra qu’il a suggéré d’imposer un couvre-feu entre minuit et 5 h aux jeunes conducteurs âgés entre 16 et 24 ans et de réduire le nombre de passagers à bord permis lorsqu’un jeune est au volant. «Ç’a ouvert un débat», dit-il. Ses recommandations ont soulevé la controverse, mais il constate que la situation s’est depuis améliorée.
Pour son documentaire Dérapages, le journaliste Paul Arcand lui a d’ailleurs donné la parole à plusieurs reprises. Pour le coroner Garneau, il est clair qu’il faut des conséquences plus sévères comme de légiférer sur le texto ou le téléphone en conduisant. Il suggère d’enlever pas moins de neuf points d’inaptitude.
«On se fout des conséquences, car il n’y a pas de pénalités extrêmes», s’enflamme le coroner. «Mais l’idée d’enlever neuf points a une belle réceptivité et j’ai espoir qu’on va y arriver.» Pour faire changer les choses, amender les lois même légèrement, il faut de la ténacité et répéter les choses, assure-t-il.
L’homme de communication qu’il est demeuré s’est développé une expertise en vulgarisation médicale. Il en est fier. Il est également fier d’être resté intègre à ses valeurs, notamment celle de défendre des clients moins nantis.
Mais la retraite permet tout de même de consacrer plus de temps à ses hobbys. Yvon Garneau s’occupe donc de ses trois chevaux, sous le regard bienveillant de la jument d’Anaïs, sa petite-fille, tandis que sa femme s’occupe de leur vignoble. «Le cheval ressent les émotions de l’humain», prétend celui-ci, persuadé de la grande intelligence de la bête à crinière.