Le Musée McCord Stewart revisite le projet Disraeli

L’exposition « Disraeli revisité – Chronique d’un événement photographique québécois » présentée au Musée McCord Stewart de Montréal jusqu’au 19 février prochain vise à souligner le 50e anniversaire de cet événement majeur de l’histoire de la photographie au Québec à travers 144 images (dont plus de 67 inédites), 44 documents d’archives et une vidéo.

C’est à l’été 1972 que quatre jeunes photographes, Claire Beaugrand-Champagne, Michel Campeau, Roger Charbonneau et Cedric Pearson, passent trois mois à Disraeli et entreprennent avec les recherchistes Ginette Laurin et Maryse Pellerin la production d’un portrait documentaire collectif de la ville et de sa population. Le projet Disraeli a fait éclater au Québec une vive polémique après que des personnes influentes de la communauté aient exprimé leur désapprobation, estimant que les photographes ont représenté leur ville de manière injuste et négative. Cela a engendré une réflexion profonde sur la représentativité et le droit à l’image.

L’idée de revisiter cet événement a germé il y a une dizaine d’années dans le cadre du 40e anniversaire du passage des photographes à Disraeli. « Ils voyaient le 50e arriver et ils ont commencé, chacun de leur côté, à revoir leurs négatifs et des images qui avaient été ignorées à l’époque, dont certaines où on les voit avec des gens de Disraeli », a expliqué Zoë Tousignant, commissaire de l’exposition et conservatrice de la collection Photographie au Musée McCord Stewart.

L’objectif de cette exposition n’est pas seulement de raconter la prise des images, mais également le débat qui en a découlé. « C’était la première fois que la photographie était débattue sur la place publique au Québec. C’est vraiment le point de départ de cette exposition, raconter cet événement, pas seulement par les photos, mais aussi les coupures de presse et les documents de l’époque illustrant les différents points de vue. Nous avons aussi des archives audios inédites », a indiqué Mme Tousignant.

L’équipe du Musée était au départ très nerveuse de présenter le tout à la communauté disraeloise, ne connaissant pas vraiment la réaction qu’elle aurait. « Nous avons rencontré des membres de la société historique, qui connaissaient évidemment bien le projet, ainsi que le maire. Les gens ont été très gentils et super intéressés par ce que nous avons présenté », a raconté la conservatrice.

Le Musée tenait par ailleurs à impliquer la population. Un atelier photo montrant les images qui allaient être incluses dans l’exposition a donc été offert. Un concours photo a aussi été organisé pour les résidents de Disraeli qui sont invités, jusqu’au 3 février prochain, à ajouter leur voix au projet d’exposition en soumettant des photographies. Le concours est ainsi l’occasion pour la population de présenter, 50 ans plus tard, l’évolution de la ville, mais aussi sa vision de ce qui la caractérise.

« C’était important pour nous de les impliquer dans ce que nous voulions faire. Les images sont présentées sur un écran plat à la fin de l’exposition. Après la date limite, nous allons élire un gagnant pour le concours », a expliqué Zoë Tousignant.

Selon elle, la polémique qui avait éclaté se résume au fait que lors de leur passage à Disraeli, les photographes demeuraient à l’extérieur de la ville. Ils avaient capturé la partie urbaine, mais beaucoup plus leur environnement immédiat, soit la campagne. « Quand les photos ont été publiées dans le magazine Perspectives qui avait alors une énorme circulation, les gens hauts placés, dont le maire et le curé, avaient affirmé qu’il s’agissait d’une fausse représentation de Disraeli parce les images présentaient seulement l’aspect rural et non pas les industries ou le lac. Les photographes avaient été accusés de n’avoir vu qu’un aspect de Disraeli. Des journalistes avaient aussi utilisé la réaction des notables pour véhiculer leur propre point de vue anti-bourgeoisie et anti-élite. Le débat s’est élargi sur la transformation et la modernisation du Québec pendant cette période. »

Un débat avait également été lancé sur le droit à l’image et la circulation de celle-ci. « Le projet Disraeli est devenu un exemple dans l’histoire de la photographie au Québec et nous a fait réfléchir sur ces questions. Ces photographies sont encore étudiées aujourd’hui au cégep et à l’université afin de susciter la réflexion », a souligné Mme Toursignant.

Pour plus de détails sur l’exposition « Disraeli revisité – Chronique d’un événement photographique québécois » et sur le concours de photo, visitez le site Web du Musée McCord Stewart au www.musee-mccord-stewart.ca.