Éclipse solaire du 8 avril : l’année « olympique » de Julie Bolduc-Duval

Avec l’éclipse solaire totale qui approche à grands pas, l’astronome et communicatrice scientifique Julie Bolduc-Duval entre ces jours-ci dans un dernier blitz de formation et de sensibilisation entourant ce phénomène naturel avant le grand jour du 8 avril.

La résidente de ­Thetford ­Mines travaille en éducation de l’astronomie depuis une vingtaine d’années. Elle collabore avec des astrophysiciens de partout au ­Canada et est directrice du programme « À la découverte de l’univers ». Celui-ci, offert en français et en anglais, aide les enseignants du primaire et du secondaire avec le contenu pédagogique lié à l’astronomie.

Son année a évidemment été fort chargée. « Récemment, j’ai dit que c’est un peu comme les ­Olympiques de ma carrière ! ­Jamais que mon expertise n’aura été autant en demande. Je suis sur un high. Je réussis quand même à trouver un équilibre et à prendre mes soirées ainsi que mes fins de semaine en famille, mais c’est comme si chaque minute de travail est vraiment intense. »

Au cours des derniers mois, son travail a beaucoup tourné autour de la préparation des écoles en vue du 8 avril. Plusieurs ressources en ligne ont aussi été développées par son équipe. «  ­Nous avons offert des formations aux enseignants du ­Québec, mais aussi de ­Terre-Neuve et de l’Ontario où l’éclipse sera visible. Je crois que nous nous approchons de 2000 personnes formées. L’objectif est d’outiller le personnel scolaire, d’expliquer ce qu’est l’éclipse, de leur permettre de transmettre les bonnes informations et de savoir comment l’observer. »

Comme citoyenne de ­Thetford ­Mines, elle trouvait également important de sensibiliser sa propre région pour qu’elle soit prête. « J’ai écrit plusieurs courriels et je me rends compte ­peut-être que c’était trop tôt parce que beaucoup sont restés sans réponse dans la communauté. Il y a quand même des choses qui ont bougé, mais ce que j’aurais aimé c’est que davantage de lunettes soient en circulation et qu’il y en ait dans les milieux de travail. »

À ­Thetford ­Mines, les personnes désirant acheter des lunettes certifiées peuvent le faire à la ­Librairie L’Écuyer ainsi qu’au ­Musée Minéro. « C’est un outil simple qu’on peut se procurer pour quelques dollars. Il permet d’observer l’éclipse sans brûler les yeux. Ce sera une journée ensoleillée comme les autres, mais il faut penser qu’on lèvera les yeux directement vers le ­Soleil. Il n’est pas nécessaire de les avoir devant les yeux en tout temps, seulement quand on regarde vers lui. »

LANCEMENT D’UN ­LIVRE

Le journaliste scientifique ­Joël ­Leblanc et ­Julie ­Bolduc-Duval ont récemment lancé un livre intitulé «  Éclipse : quand le ­Soleil fait son cirque  » . «  ­Il m’a invitée à y participer à la fin du printemps. Il s’était fait proposer d’écrire un livre sur l’éclipse, mais il n’avait pas les connaissances, donc il m’a demandé de le faire avec lui. Ce fut un sprint d’écriture et beaucoup de travail, mais je suis vraiment contente du résultat  », ­raconte-t-elle.

Au moment d’écrire ces lignes, le livre se classait au cinquième rang du palmarès ­Renaud-Bray. « C’est une belle aventure que je n’avais pas vue venir, surtout le fait qu’il reçoive autant d’intérêt. En même temps, c’est le sujet de l’heure. Nous savions que l’éclipse serait populaire et cela aide pour le livre. »

L’ouvrage est décrit dans les médias comme « le guide » de l’éclipse, une appellation que ­Julie ­Bolduc-Duval aime bien. « Il n’est pas très épais et se lit rapidement. Il y a des chapitres sur comment ça va se passer le 8 avril, mais il y en a aussi qui abordent le phénomène, le côté historique et l’enjeu de sécurité. Il s’adresse à ceux désirant s’informer, bref, au grand public. Joël et moi sommes des vulgarisateurs scientifiques, donc nous voulions qu’il soit accessible. »

FERMETURE ­DE ­PLUSIEURS ÉCOLES

De voir des centres de services scolaire prendre la décision de fermer des écoles le 8 avril est vraiment ­crève-cœur pour la formatrice scientifique. Elle se réjouit toutefois que ce ne soit pas le cas chez elle dans les ­Appalaches. Le centre de services scolaire de la région a plutôt été proactif en prévoyant la commande de lunettes pour ses élèves et son personnel. Les parents seront bientôt informés du déroulement des activités pour cette journée.

La décision des administrations dans d’autres régions est venue couper l’herbe sous le pied de nombreux enseignants qui étaient formés et prêts selon ­Julie ­Bolduc-Duval. « L’enjeu de sécurité est réel. Ce que je trouve dommage, c’est qu’il prend toute la place actuellement. On évoque presque juste ça au lieu de parler du fait que c’est un événement extraordinaire que les jeunes doivent vivre. Statistiquement, le nombre de blessures qu’il y a eu est vraiment minime. Lors de l’éclipse de 2017, il y a plus de 250 millions de personnes qui l’ont observée et personne n’est devenu aveugle. Il y a eu environ une centaine de blessures, mais rien de permanent. Des jeunes qui se blessent en sport ou en sortie scolaire, il y en a et on vit avec ça parce que ces activités en valent la peine. »

Il est admis depuis longtemps que le moment de l’éclipse, soit à la sortie des classes, ne sera pas l’idéal. Il y a cependant une façon de s’arranger pour le faire vivre aux élèves à l’école, soutient ­Julie ­Bolduc-Duval. « Ce qui est dommage, c’est qu’en fermant des écoles, beaucoup de jeunes se retrouveront en service de garde où ils sont moins outillés pour ça. Je crains que des milliers de jeunes soient finalement enfermés à l’intérieur. Au lieu de tomber en mode panique, j’aurais vraiment aimé qu’on décide en tant que société de faire vivre aux enfants cet événement extraordinaire de façon encadrée et sécuritaire. L’école est le meilleur endroit pour ça. »

UN ­PHÉNOMÈNE ­NATUREL ­IMPRESSIONNANT

Pour l’astronome, une éclipse totale de ­Soleil est l’un des phénomènes naturels les plus impressionnants qu’une personne a la chance de voir dans sa vie. « ­Il y a des gens qui voyagent partout dans le monde pour ça. Paul ­Houde, qui vient malheureusement de décéder, était l’un des chasseurs d’éclipse les plus connus au ­Québec. Il allait partout pour en observer. C’est dommage qu’il ait manqué ­celle-ci de peu. »

Vivre ce phénomène chez soi est un événement très rare. Le dernier dans la région de ­Thetford a eu lieu en 1963. Quelques personnes auront donc l’énorme chance d’en voir une deuxième. La prochaine ne se produira qu’en 2205, alors pour la majorité de la population, cela n’arrivera qu’une fois. « J’ai eu la chance de voir celle de 2017 et la totalité n’a duré que 57 secondes, mais je vais m’en souvenir toute ma vie  », affirme ­Julie ­Bolduc-Duval.

Évidemment, le souhait est que le ciel soit dégagé pour vivre pleinement l’expérience, mais le spectacle sera intéressant ­dit-elle même si les nuages sont présents puisque l’obscurité sera totale, et ce, en plein jour.

Finalement, malgré plusieurs invitations dans le cadre de ses fonctions, c’est en famille que l’astronome a décidé de rester le 8 avril. « Mon travail se fait en amont, donc rendu là il ne restera qu’à vivre le moment. La nature nous offrira ce spectacle grandiose au-dessus de nos têtes, alors ­profitons-en! »