Fermeture d’Intégration communautaire des immigrants : vive déception pour sa fondatrice

Après plus de 20 ans d’existence dans la région de Thetford, Intégration communautaire des immigrants (ICI) fermera ses portes le 31 mars prochain en raison de la perte de sa subvention auprès du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Une insatisfaction par rapport aux services dispensés par l’organisme en serait notamment à l’origine. De son côté, sa fondatrice et directrice générale, Eva Lopez, dénonce plutôt un manque de transparence du ministère dans le processus ayant mené à cette décision.

Le MIFI a confirmé par courriel au Courrier Frontenac avoir réalisé à l’été 2023 une mission de vérification de conformité au sein de l’organisme dans le cadre du Programme d’accompagnement et de soutien à l’intégration (PASI). Il a indiqué qu’à l’automne 2023, un plan de travail a été proposé afin de corriger certains éléments de non-conformité. En novembre, ICI aurait confirmé par écrit son retrait du PASI avant de communiquer au MIFI son intention de fermer ses portes pour un temps indéterminé le 31 janvier 2024.

Le ministère a ajouté que l’organisme ne s’était pas qualifié pour recevoir un financement du Programme de soutien à la mission (PSM) pour l’année 2023-2024 dans le cadre du renouvellement de son cycle triennal. « Au 31 mars 2023, l’organisme présentait des liquidités importantes à ses états financiers faisant en sorte que le financement dans le cadre du PSM n’a pas été reconduit par le ministère lors de l’exercice débutant le 1er novembre 2023. Il s’agit d’ailleurs d’une norme du PSM que, dans l’éventualité où l’actif net non affecté des derniers états financiers demeurerait supérieur à 50 % des dépenses totales de l’organisme, l’aide accordée par le ministère doive être retirée à l’organisme, en tout ou en partie. »

Eva Lopez trouve malheureux que les choses en soient arrivées à une fermeture définitive. Elle s’implique depuis une trentaine d’années dans l’attraction et l’intégration des immigrants ainsi que dans la régionalisation de l’immigration. Elle estime n’avoir rien à se reprocher et avoir toujours travaillé dans l’intérêt de la clientèle. Elle croit que le ministère a plutôt été opaque dans sa façon de faire. Elle déplore notamment de n’avoir reçu que de façon verbale les résultats de la vérification de conformité. Selon elle, ceux-ci ne donnaient aucune raison de couper son financement puisqu’il ne s’agissait pas d’un problème monétaire. Des correctifs avaient été apportés sur certains points ayant été soulevés.

Par ailleurs, au courant de l’année 2023, on l’informait que sa subvention allait être diminuée de 50 % et qu’elle avait désormais pour cible seulement 61 personnes à qui offrir des services, alors qu’elle avait prévu devoir en accompagner plus de 300. « Cela nous poussait à discriminer des gens. C’est impossible pour un organisme communautaire dont la mission est le service aux personnes immigrantes. Nous ne pouvons pas tolérer une telle chose sans que nous ayons été consultés. »

Quelques mois plus tard, elle apprenait qu’ICI devait maintenant déployer ses programmes en collaboration avec un organisme ayant reçu l’autre partie de la subvention. « On nous a dit que ce serait comme ça et que c’était non négociable. Nous avons toutefois refusé cette manière de fonctionner. De nous mettre en position de dédoublement de services, c’est non. Nous ne souhaitions pas travailler sous la contrainte. Ce n’est pas une collaboration quand nous ne sommes même pas invités à des discussions afin de développer un partenariat », a soutenu Mme Lopez.

En refusant de se plier à cette exigence, l’organisme a perdu sa subvention, l’obligeant à mettre la clé dans la porte. 

Eva Lopez s’est défendue de ne pas accepter de travailler en collaboration. Elle juge toutefois insensé le dédoublement de services. « Nous avons toujours œuvré en partenariat avec le milieu. Pendant des années, nous avons fait appel à des organismes stratégiques pour compléter l’offre d’accueil et d’intégration. »

Elle croit qu’il s’agit d’une commande politique et qu’ICI pourrait avoir dérangé certains acteurs de la région. « Je sais qu’il y a eu de l’inconfort parce que nous défendons les droits des immigrants qui sont actuellement piétinés. Ils souffrent de différentes formes d’abus ainsi que de manquements aux normes du travail. Ces personnes sont seules au monde et ne comprennent pas leurs droits, donc il faut s’en occuper. Il y a des entreprises exemplaires à applaudir dans la région. Quand elles comprennent la situation, elles n’hésitent pas à la redresser, mais il y en a plusieurs où c’est inquiétant », a-t-elle expliqué en précisant que ces situations ne sont pas uniques à la région de Thetford et qu’il s’agit d’un problème répandu à travers le pays. 

Malgré cette fin décevante, Eva Lopez est néanmoins fière de ses 31 années d’implication. « En toute humilité, je pars avec la tête haute et le sentiment du devoir accompli. » 

LES NOUVEAUX ARRIVANTS CONTINUERONT D’ÊTRE ACCOMPAGNÉS

Rejointe par le Courrier Frontenac afin de commenter cette fermeture, la députée de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours, a affirmé être peinée qu’un organisme de sa circonscription ferme ses portes. Elle a cependant précisé que les personnes immigrantes continueraient d’être desservies. « La subvention sera donnée au Carrefour jeunesse-emploi de Frontenac. C’est lui dorénavant qui accompagnera les immigrants arrivant dans notre région », a-t-elle indiqué.

En ce qui a trait à l’organisme ICI, elle a ajouté qu’il y avait une insatisfaction quant aux services rendus et qu’il a fallu agir. 

De son côté, le préfet de la MRC des Appalaches et maire de Thetford Mines, Marc-Alexandre Brousseau, a rappelé que le visage de la ville et de la région change rapidement, que la communauté s’enrichit de l’arrivée de ceux choisissant de s’y installer, qu’il est important de bien les accueillir en favorisant leur intégration et qu’il s’agit d’un travail d’équipe pour tous les organismes ayant un rôle à jouer en immigration.

« Merci aux gens d’ICI pour les services dispensés au cours des années. Ils ont su jeter les bases de notre système d’accueil. L’important, maintenant, ce n’est pas qui va offrir les services, mais surtout de s’assurer qu’ils soient optimaux et que les besoins de tous les nouveaux arrivants soient pris en charge », a-t-il dit.

Il a de plus soutenu que les employeurs et les citoyens ont aussi une responsabilité dans l’accueil des nouveaux arrivants. « J’invite tout le monde à travailler main dans la main pour que notre milieu de vie soit le plus attractif possible et qu’on améliore la rétention de ces gens qui font le choix de vivre chez nous. »

À noter qu’une table de concertation en immigration a été créée dans la région il y a quelques années. Celle-ci est chapeautée par la MRC des Appalaches et inclut tous les milieux, que ce soit le scolaire, l’institutionnel, la santé, les affaires et le communautaire. La MRC a aussi adopté en 2022 un nouveau plan d’action en immigration visant, entre autres, à accompagner les municipalités pour développer un milieu de vie offrant des conditions adéquates aux personnes immigrantes.