Mendicino critique son «équipe» pour l’avoir informé tardivement sur Bernardo

OTTAWA — Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a qualifié d’«inacceptable» le fait que son personnel l’ait tenu dans l’ignorance au sujet du controversé transfert du tueur Paul Bernardo dans un établissement à sécurité moyenne. 

Toutefois, il a refusé d’expliquer ce problème de communications.

La colline du Parlement bourdonnait de questions, jeudi, sur le fait que le ministre responsable des pénitenciers fédéraux et le premier ministre Justin Trudeau aient été parmi les derniers prévenus, alors que leur personnel politique respectif en avait été informé des mois plus tôt.

Les journalistes ont intercepté le ministre de la Sécurité publique jeudi matin, après sa comparution devant un comité des Communes sur l’ingérence étrangère. M. Mendicino a qualifié de «problématique» le fait que lui et M. Trudeau aient été parmi les derniers informés.

Le gouvernement libéral devait déjà faire face aux retombées de la décision du Service correctionnel du Canada de transférer le meurtrier et violeur en série d’une prison à sécurité maximale en Ontario vers un établissement à sécurité moyenne au Québec.

Mais une nouvelle controverse a éclaté cette semaine, lorsque le Service correctionnel a confirmé qu’il en avait effectivement informé le cabinet du ministre Mendicino début mars, puis de nouveau fin mai, une fois qu’une date pour le transfert a été fixée.

Le cabinet du premier ministre soutient que M. Trudeau n’a été informé que le jour où le transfert a effectivement eu lieu, tandis que le ministre Mendicino assure qu’il ne l’a appris que le lendemain. 

Une porte-parole de M. Trudeau a déclaré que le Bureau du Conseil privé avait alerté l’un de ses employés du transfert potentiel en mars et que ce membre du personnel avait contacté le cabinet du ministre Mendicino pour obtenir plus d’informations.

Audrey Champoux, une porte-parole de M. Mendicino, affirme que c’est le cabinet du premier ministre qui a été prévenu le premier. Lorsque l’entourage du ministre de la Sécurité publique en a entendu parler via le cabinet du premier ministre, a-t-elle dit, le cabinet de M. Mendicino a fait un suivi auprès du Service correctionnel.

C’est alors que l’agence indépendante a fourni au personnel politique les premiers détails, que Mme Champoux a décrits comme des «éléments de communication génériques sur les transferts de détenus» dans le système correctionnel.

Une faille «inacceptable»

Interrogé par les journalistes, jeudi, M. Mendicino a qualifié d’«inacceptable» le fait qu’il n’ait pas été informé plus tôt par son «équipe».

Il a déclaré qu’il avait l’intention d’émettre une directive ministérielle pour s’assurer que le ministre fédéral de la Sécurité publique soit personnellement informé lorsqu’un détenu d’une certaine notoriété doit être transféré. 

Le ministre souhaite aussi que le Service correctionnel informe les victimes à l’avance de telles décisions. 

«En ce qui concerne les questions internes, je m’en suis occupé», a indiqué le ministre en parlant de son «équipe» au sein de son cabinet. «La réponse courte est que c’est inacceptable et mon travail consiste à faire en sorte que cela ne se reproduise plus», a déclaré M. Mendicino, qui a refusé de dire si l’un de ses collaborateurs avait fait l’objet de mesures disciplinaires.

Plus tard, pendant la période des questions aux Communes, jeudi après-midi, les députés de l’opposition ont continué à réclamer la démission de M. Mendicino.

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a également mis au défi le gouvernement libéral d’appuyer un projet de loi d’initiative parlementaire d’un député conservateur de l’Ontario qui propose de modifier la loi pour que les détenus qui ont été déclarés délinquants dangereux ou coupables de plus d’un meurtre au premier degré purgent l’intégralité de leur peine dans un établissement à sécurité maximale.

Le leader du gouvernement en Chambre, Mark Holland, a répondu que le transfert de Bernardo était toujours réexaminé par le Service correctionnel. Il a déclaré que malgré l’indignation compréhensible des Canadiens face à son transfert dans une prison à sécurité moyenne, il ne fallait pas «politiser» le système correctionnel du pays, qui fonctionne indépendamment du gouvernement. 

«Cafouillage» 

Bernardo purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour l’enlèvement, le viol et le meurtre de Kristen French, 15 ans, et de Leslie Mahaffy, 14 ans, au début des années 1990.

Il a aussi reconnu avoir agressé sexuellement 14 autres femmes et il a été reconnu coupable d’homicide involontaire relativement à la mort de Tammy Homolka, 15 ans, décédée  après avoir été droguée et agressée sexuellement.

Tammy Homolka était la petite sœur de l’épouse de Bernardo, Karla Homolka, qui a été libérée en 2005 après avoir purgé une peine de 12 ans de prison pour son rôle dans les crimes commis contre Kristen French et Leslie Mahaffy.

Mary Campbell, une ancienne haute fonctionnaire de longue date, qui a pris sa retraite en 2013 de son poste au sein du ministère de la Sécurité publique, a qualifié de «cafouillage» le fait que le ministre Mendicino n’ait pas été informé par son personnel.

Elle soutient même que pour éviter de prendre un ministre au dépourvu, il existait au sein du Service correctionnel un mécanisme pour alerter son cabinet de toute situation impliquant un délinquant notoire. «Ce mécanisme aurait dû fonctionner correctement» dans ce cas-ci, estime Mme Campbell. 

Elle a déclaré jeudi qu’ayant travaillé pour 14 ministres, elle n’en a jamais vu un seul devoir lancé une directive qui précise: «S’il vous plaît, informez-moi des choses importantes».

«Je n’en reviens pas.»