Steven Guilbeault: la lutte au changement climatique sera longue

MONTRÉAL — La combustion d’une partie des forêts boréales canadiennes libère d’énormes quantités de gaz à effet de serre. Cette situation inquiétante ne fait que rappeler que la lutte au changement climatique sera longue, selon le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, qui s’en est pris au Parti conservateur, vendredi, en marge d’un point de presse.

Les forêts boréales canadiennes sont parmi les plus importants puits de carbone de la planète et selon l’Institut climatique du Canada, elles séquestrent environ 28 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de 40 fois les émissions annuelles de gaz à effet de serre du Canada. 

Présentement, une partie importante de ces forêts brûlent et libèrent des gaz à effet de serre.

Quelle quantité? Le gouvernement fédéral tentera de répondre à cette question.

«Une fois que la saison des feux de forêt sera derrière nous, les scientifiques à la fois d’Environnement et changement climatique Canada et de Ressources naturelles Canada, vont travailler ensemble à estimer la quantité de GES qui auront été émis par les feux de forêt», a indiqué le ministre Guilbeault à La Presse Canadienne avant d’ajouter que ce sera sans doute «la pire année des feux de forêt de l’histoire du pays».

Les incendies de forêt avaient émis une quantité estimée de 270 millions de tonnes en 2021, soit l’équivalent de 60 millions de voitures. Ils représentaient la principale source de gaz à effet de serre au Canada cette année-là.

On peut donc imaginer que la quantité de GES libérée par les feux de 2023 sera plus élevée que celle de 2021.

Les GES de ces incendies ne sont pas inclus lorsque le Canada calcule ses émissions totales pour l’année, car les feux de forêt ne sont pas considérés comme étant directement causés par l’action humaine.

Mais ces émissions sont bien réelles et la possibilité qu’elles fracassent un record n’a rien de rassurant.

«Ça fait 30 ans que je suis inquiet sur la question des changements climatiques. Ça fait 30 ans, même plus que ça, que nous savons que les gouvernements auraient dû agir beaucoup plus rapidement qu’ils ne l’ont fait», a mentionné Steven Guilbeault, en marge d’une conférence de presse vendredi à Laval.

Questionné à savoir s’il remettait en question les investissements du Canada dans l’industrie fossile, le ministre de l’Environnement a répondu qu’il s’est lancé en politique «pour travailler sur ces questions et pour que le Canada puisse en faire plus et plus vite» en matière de lutte au changement climatique.

«Lorsqu’on est arrivé au pouvoir en 2015, les projections indiquaient que le Canada allait augmenter ses émissions d’au moins 12 %, en 2030, par rapport à 2005», s’est défendu Steven Guilbeault en faisant valoir que le dernier bilan des GES indique que les émissions sont maintenant 8 % inférieures à ce qu’elles étaient en 2005.

«On fait beaucoup de progrès, mais il reste beaucoup de travail à faire», a-t-il résumé.

Il n’existe pas de poudre de fée magique

Le ministre de l’Environnement s’en est pris au chef de l’opposition conservatrice en disant que contrairement à ce que Pierre Poilievre peut penser, il n’existe pas «d’interrupteur» qui puisse faire disparaître «par magie» les changements climatiques.

Le ministre de l’Environnement faisait référence à une attaque de Pierre Poilievre, jeudi, contre la tarification sur le carbone.

«Le premier ministre est allé jusqu’à affirmer que la taxe sur le carbone signifierait moins d’incendies de forêt, ce qui est totalement contraire à la science fondamentale et à la réalité fondamentale», avait indiqué le chef conservateur.

Mais il n’y a pas de «poudre de fée magique» pour lutter contre les changements climatiques, a répondu Steven Guilbeault en répétant que la société civile, les différents gouvernements et les entreprises devront «travailler pendant des décennies» avec acharnement afin de diminuer les impacts des changements climatiques et la tarification sur le carbone fait partie des outils qui permettront de gagner ce combat, selon le ministre.

Le ministre de l’Environnement a indiqué qu’il «n’existait pas de raccourci» dans la lutte au changement climatique et il a tracé un parallèle avec le Protocole de Montréal signé par 195 pays en 1987 pour interdire les substances qui détruisent la couche d’ozone.

«Ça prendra 80 ans pour régler ce problème et ça sera similaire avec les changements climatiques», a ajouté Steven Guilbeault.

L’ONU Environnement estime que si les politiques signés lors de l’accord de Montréal restent en place, le trou de la couche d’ozone sera résorbé d’ici une quarantaine d’années.

Le Centre interservices des feux de forêt du Canada a déclaré qu’il y avait 431 incendies jeudi dans neuf provinces et deux territoires. C’était en baisse par rapport à 441 mercredi, le Québec ayant éteint dix feux depuis mercredi matin.