Pensons aux premières personnes concernées d’abord!
À partir du mercredi 17 janvier, le département de psychiatrie de l’hôpital de Thetford Mines sera fermé temporairement à la suite de la démission des psychiatres de l’établissement.
Deux d’entre elles rencontreront dorénavant les personnes qu’elles suivaient en clinique privée à l’extérieur de l’hôpital. Malgré les mesures mises en place par la direction du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (CISSS-CA), cette situation aura des conséquences majeures pour les personnes ayant besoin d’avoir accès à une hospitalisation, ainsi que leurs proches. Ces personnes sont les otages de démissions qui restreignent l’accès à des services auxquels elles ont droit.
Cette situation est inacceptable pour les personnes vivant avec un problème de santé mentale de la MRC des Appalaches. Ces personnes sont membres de nos organismes, y reçoivent de l’aide et nécessitent un endroit sécuritaire accessible dans leur communauté pour y séjourner lorsque leur santé mentale le nécessite. En cela, la fermeture du département de psychiatrie – même temporairement – risque d’avoir des conséquences importantes pour les personnes concernées.
Dans ce dossier, il a été traité dans les médias de l’organisation du département de psychiatrie, de la formation du personnel et de la charge de travail des médecins, entre autres. Nous émettons la préoccupation que l’on devrait d’abord et avant tout penser aux personnes qui feront les frais de cette décision, soit les personnes nécessitant d’être hospitalisées en psychiatrie. Ce sont pour elles que nous devons travailler en premier lieu. Pour plusieurs, les personnes sont bien faciles à oublier, car elles n’ont pas un lobby bien financé pour les aider à faire valoir leur point de vue.
Afin de pallier au problème à court terme, le CISSS-CA a mis en place un corridor de services temporaire. Nous ne pouvons qu’espérer qu’il soit aussi adapté aux personnes de l’ouest de la MRC des Appalaches (Disraeli, Beaulac-Garthby, St-Fortunat, etc.), considérant que le département de psychiatrie le plus près dans la région de Chaudière-Appalaches est à environ 1 h 30 de route de ces municipalités. Les résidents de ces localités seront-ils dirigés vers un hôpital plus près (Victoriaville, Sherbrooke) de leur domicile?
La démission des psychiatres soulève des questionnements majeurs, car cette démarche apparaît concertée. Si c’est le cas, peut-on se demander est-ce au bénéfice des personnes utilisatrices de services de la région? Nous notons que les motifs allégués par les psychiatres soulèvent des interrogations. La charge de travail à l’hôpital a-t-elle réellement augmenté depuis les deux dernières années?
Notons qu’avant la venue de ces psychiatres, il y avait une présence comparable à l’hôpital puisque quatre psychiatres y œuvraient à mi-temps. L’élément soulevé en lien avec la sécurité suscite également des interrogations puisque le département a subi des rénovations majeures très récemment. Dans ce domaine, le risque zéro étant impossible à atteindre, souhaitons que cette crise n’amène pas des restrictions majeures en matière de respect des droits fondamentaux des personnes.
Il est préoccupant qu’aucun psychiatre de la région ou d’ailleurs ne puisse venir temporairement assumer une forme de garde afin de maintenir le service. Il y a environ 1200 psychiatres au Québec, dont une trentaine en Chaudière-Appalaches et aucun d’entre eux ne peut venir dépanner l’hôpital de Thetford Mines? Il apparaît que cette question est d’importance.
L’aspect éthique est aussi un élément majeur de cette situation, bien que ces départs semblent avoir été faits dans le respect des règles en vigueur. Les règles usuelles associées à la cessation de pratique d’un médecin en milieu hospitalier sont-elles appropriées si l’ensemble des médecins spécialistes démissionne en bloc, ce qui laisse un territoire dégarni?
Souhaitons que des solutions adéquates et durables soient mises de l’avant pour le bien-être des personnes concernées, sans conséquences fâcheuses pour les personnes nécessitant une hospitalisation. La fermeture, même temporaire, du département de psychiatrie nous fait prendre conscience que l’État n’a pas suffisamment investi en santé mentale pour ce qui est des alternatives à l’hospitalisation dans la communauté. Cette crise nous le rappelle fort bien et pourrait être l’occasion de travailler autrement à l’avenir.
Carole Vachon, directrice générale de l’organisme Le Havre (Groupe d’aide et d’entraide pour les personnes vivant avec un problème de santé mentale)
François Winter, directeur général de L’A-DROIT de Chaudière-Appalaches (Groupe régional de promotion et de défense des droits en santé mentale)