Dès le jour 1, Jason Maas a convaincu les Alouettes de viser la coupe Grey

MONTRÉAL — Danny Maciocia a déclaré la semaine dernière qu’il n’avait sûrement pas gagné un concours de popularité parmi les amateurs des Alouettes en embauchant Jason Maas au poste d’entraîneur-chef. Mais pour ses joueurs, Maas est le grand responsable de la chimie qui a réuni l’équipe cette saison.

Cavalièrement congédié de son poste de coordonnateur à l’attaque des Roughriders de la Saskatchewan après la dernière saison, Maas s’est amené à Montréal avec une réputation d’un entraîneur-chef incapable de gagner les grands matchs et au caractère explosif. Ce n’est pas l’image qu’ont ses joueurs après une première saison couronnée de succès sous ses ordres.

Il faut dire que Maas n’a pas laissé le temps aux joueurs d’avoir une mauvaise perception à son endroit. Dès le jour 1, il leur a fixé un seul objectif: gagner la coupe Grey.

«Quand tu es un entraîneur qui se fait congédier, qui arrive dans une nouvelle équipe et que son premier discours, ce n’est pas de dire qu’on va avoir une bonne saison, mais qu’on va aller gagner une coupe Grey, ça prend beaucoup de cran, a fait remarquer le maraudeur Marc-Antoine Dequoy. Il faut être confiant en maudit!

«Le Great 8 [NDLR: le nom du plan de Maas pour remporter la huitième coupe Grey de l’histoire des Alouettes], ça devait être privé toute la saison et on a décidé d’en parler en fin d’année, a ajouté Dequoy. Mais le Great 8, il en a parlé dès le jour 1. Le dire c’est une chose, mais de le faire avec une nouvelle équipe qui a un nouveau propriétaire, il faut le faire.»

Maas a aussi apporté un autre élément rassembleur: la fierté de représenter une communauté francophone.

«C’est l’une des premières choses que Maas a dites en arrivant: ce sera davantage qu’à propos du football, a noté le demi défensif Kabion Ento. Nous allons nous imprégner de cette culture, de cette ville. Pour lui, tant que nous serions ici, nous allions apprendre quelque chose de nouveau.»

«Nous sommes la seule équipe francophone dans la ligue et Maas, qui n’est pas francophone, a souligné l’importance du français dès son arrivée, a ajouté le receveur Tyson Philpot, joueur canadien par excellence de la finale. Ce lien que nous avons, c’est très ‘cool’ et ça a réuni les anglos et les francos. Parfois, vous surprenez des anglos à parler français. Ce genre de lien nous a permis de passer à travers les moments plus difficiles et de connaître la fin que nous voulions.»

«Je n’avais jamais vécu ça auparavant, a pour sa part fait valoir le garde Pier-Olivier Lestage. De voir des Américains et des Canadiens embarquer, tenter de parler quelques mots de français, d’adopter la culture québécoise. Ça nous a rapprochés, c’est clair. Ça et de ne pas avoir de propriétaire au départ ou de ne pas avoir les meilleures des installations. C’est ce qui a fait que cette équipe était une équipe spéciale.»

Maciocia savait ce qu’il faisait en embauchant Maas.

«Nous voulions bâtir cette équipe avec des joueurs qui avaient un peu de choses à prouver, a mentionné le directeur général. Nous nous sommes embarqués dans un projet qui n’était clairement pas fait pour tout le monde. Certains sont restés ici, certains ont quitté et d’autres ont décidé de se joindre à nous. Nous avons créé un groupe uni et fort comme je n’avais jamais vu auparavant.»

Matte: aucun doute pour ses coéquipiers

Kristian Matte, vétéran du club, a senti dès le début de la saison que cette équipe avait quelque chose de spécial.

«Si j’ai eu des moments où je voulais abandonner [au cours des dernières années], je les ai bloqués! Il y a eu plusieurs événements, mais je me suis toujours dit que ça allait changer. Chaque année en fait, a rappelé le garde qui est avec le club depuis la saison 2010. Cette année, ça a changé avec ‘coach’ Maas, [Darnell] Sankey, [Shawn] Lemon. Maas nous a parlé du Great 8 dès le départ et on n’a jamais lâché.»

Les coéquipiers de Matte ont d’ailleurs trouvé le moyen d’émouvoir le colosse joueur de ligne en s’assurant qu’il soit le premier joueur à soulever la coupe Grey à la suite de leur victoire de 28-24 contre les Blue Bombers de Winnipeg, dimanche.

«C’était quelque chose de spécial. En tant que ‘petit vieux’ de l’équipe, je voulais être un des premiers à prendre la coupe. Une journée avant, Marc-Antoine Dequoy est venu me voir et m’a dit: ‘C’est toi le premier qui va prendre la coupe’. Ça me rend émotif d’y repenser, s’est-il rappelé les yeux embués. Il y a des moments où je ne réalise pas encore ce qui s’est passé. Mais les gars, on s’aime. Un gars qui dit ça, ça montre que tout le monde le voulait pour l’autre.»

«Ça a commencé avec une blague au début de la semaine. Je disais que je ne savais pas qui allait être le premier, mais que le deuxième, ce serait un gars de la vidéo, a raconté Dequoy. Mais tout le monde à qui on en parlait répondait Kristian Matte. Alors quand je l’ai croisé la veille, je lui ai dit: ‘Tu vas être le premier à la soulever, j’espère que tu le sais’. Il m’a répondu à la blague: ‘T’inquiète : j’allais la soulever de toute façon’. 

«Treize [saisons], c’est long. Je ne sais pas si vous le réalisez. Pour nous, c’était certain que c’était lui. Ça montre le respect pour un vétéran, un gars d’ici qui a donné corps et âme pour l’organisation. Vous le voyiez dans ses yeux ce que ça représentait pour lui quand il l’a soulevée.»

«Ça fait 14 ans qu’il est ici, il a vécu les années glorieuses comme les mauvaises, tous les changements, et il est toujours resté. C’est juste naturel que ce soit lui qui l’ait soulevée en premier, a dit le botteur David Côté au sujet de Matte. Je n’aurais pas vu un autre joueur la soulever avant lui. 

«Quand je l’ai vu lever la coupe, j’ai pensé à Raymond Bourque. Oui, [Kristian] en avait gagné une autre avant, mais c’est la fin de sa carrière, il était réserviste à l’époque. J’ai trouvé que c’était vraiment ‘cool’ pour lui qui est plus près de la fin de sa carrière.»

Le journaliste de La Presse Canadienne Simon Servant a participé à la rédaction de cet article.