Des artistes canadiens aux piquets de grève à Hollywood

Les acteurs et scénaristes canadiens qui participent aux grèves historiques à Hollywood se battent pour l’avenir de leurs industries — des deux côtés de la frontière.

Les incertitudes autour des âpres disputes qui ont assombri les plateaux de cinéma et de télévision ont laissé chez certains d’entre eux une angoisse financière et professionnelle rampante.

Les membres de deux syndicats — la Writers Guild of America (WGA) et la Screen Actors Guild-American Federation of Television and Radio Artists (SGA-AFTRA) — réclament notamment une meilleure rémunération et des protections contre l’utilisation de l’intelligence artificielle. La grève des scénaristes a commencé en mai et les acteurs les ont rejoints à la mi-juillet.

Parmi les membres touchés figurent de nombreuses têtes d’affiche canadiennes qui ont rejoint les piquets de grève pour exiger un accord équitable avec l’Alliance des producteurs de films et de télévision (AMPTP), qui représente les grands studios et les diffuseurs.

S’il n’y avait pas eu la grève du SAG, l’acteur canadien Kristian Bruun reviendrait sur le plateau de sa série Netflix «The Recruit» cette semaine. Au lieu de cela, le membre du SAG affirme que la pause d’un an et demi entre les saisons a été prolongée indéfiniment et qu’il s’attend à compter sur ses économies pour survivre.

L’ancienne covedette d’«Orphan Black» affirme que ses revenus en 2023 ont chuté si bas qu’il n’est plus admissible à la couverture d’assurance maladie de SAG, qui nécessite un revenu annuel d’environ 26 500 $.

«Ce qui, en tant que Canadien, est tout simplement insensé pour moi parce que cela n’a jamais été un stress dans ma vie», dit M. Bruun.

Mais même avec un rôle régulier dans une série américaine telle que «The Recruit» à son actif, il mentionne qu’être un acteur travaillant à L.A. n’est pas aussi rentable qu’on pourrait s’y attendre.

«La réalité de la situation est que nous ne sommes pas une bande de millionnaires. Nous sommes des gens qui ont pris un grand risque pour faire partie de quelque chose que nous aimons faire», explique-t-il.

Thomas Pound, scribe de télévision né à Calgary, a pour sa part fait ses armes dans de grandes séries canadiennes aux heures de grande écoute, notamment le drame policier «Motive» de CTV et le thriller mystérieux «Bellevue» de CBC, mais «le rêve et l’objectif ont toujours été de descendre à L.A.»

Il y a environ huit ans, le travail qui l’a amené à Los Angeles était «The Flash» de CW, qui vient de se terminer en février. Peu de temps après, une grève des scénaristes a été déclenchée le 2 mai.

«J’étais prêt à faire une pause, quoi qu’il en soit, mais ce à quoi je ne m’attendais pas, c’était le sentiment presque immédiat d’une peur existentielle», relate M. Pound.

«Il y a beaucoup de peur. Quoi qu’il en soit, vous ne pouvez pas échapper à ce sentiment de peur. Cela donne l’impression que c’est un combat pour quelque chose d’énorme, un grand changement systémique», poursuit-il.

Heureusement, sa femme et lui avaient prévu la possibilité d’un ralentissement financier, et lorsque la COVID-19 a également fermé les plateaux, il s’est familiarisé avec l’utilisation du marché boursier pour «maintenir les choses à niveau».

L’acteur Dustin Milligan essaie de se joindre à une ligne de piquetage du SAG plusieurs fois par semaine pour montrer sa solidarité à la cause, estimant que de nombreux acteurs canadiens bénéficient des protections du SAG, même s’ils n’en sont pas membres.

La vedette de «Schitt’s Creek» et double citoyen note qu’une trajectoire de carrière commune pour de nombreux acteurs canadiens est de se faire les dents à la maison, puis de déménager aux États-Unis pour participer à des productions cinématographiques et télévisuelles plus médiatisées et à plus gros budget.

L’obtention d’un contrat SAG solide pourrait également aider les Canadiens à obtenir des garanties similaires la prochaine fois que l’Association des artistes canadiens de la télévision et de la radio (ACTRA) négociera son contrat, ajoute M. Milligan.

«S’ils ont de la chance, ils seront en mesure d’obtenir certains de ces avantages que le SAG négocie sur leurs futurs contrats», prévoit-il.