Amiante : le BAPE propose la création d’une entité administrative

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) recommande au gouvernement du Québec la création d’une entité administrative afin d’assurer la gestion et l’élimination sécuritaires de l’amiante. Celle-ci se baserait sur dix principes directeurs autour desquels s’articuleraient de nombreuses actions tant réglementaires, économiques que scientifiques.

La commission d’enquête a publié le vendredi 7 août son rapport sur l’état des lieux et la gestion de l’amiante et des résidus miniers amiantés. Dans le document de 343 pages, plusieurs enjeux sont abordés, dont la valorisation des haldes.

Bien que celle-ci présente de nombreux avantages tant économiques et sociaux qu’environnementaux, la commission croit qu’elle devrait être soumise à plusieurs conditions qui assureraient la protection de la santé et de l’environnement. Trois considérations devraient être prises en compte dans la détermination des haldes à végétaliser. Il faudrait ainsi prioriser celles ayant le plus faible potentiel économique, celles présentant une grande source de contamination des milieux aquatiques et, enfin, celles qui sont situées près des zones habitées.

Quant à la valorisation des résidus miniers amiantés par l’extraction des métaux et des matières premières, elle doit répondre à deux modalités incontournables, soit que les travaux d’excavation et de manutention des haldes n’entraînent aucun risque supplémentaire pour les travailleurs et la population, et que le procédé utilisé occasionne la destruction totale des fibres d’amiante, et ce, sans nuire à la qualité de l’air.

Pour ce qui est de l’utilisation des enrobés amiantés sur les réseaux routiers, le BAPE est d’avis qu’un inventaire devrait être effectué et que les Municipalités devraient être appuyées pour leur retrait et leur disposition à l’aide d’un fonds consacré à cette fin.

L’amiante dans les édifices et les résidences

La commission d’enquête estime essentiel qu’un registre des bâtiments susceptibles de contenir de l’amiante soit constitué dans une optique ultime de réduction de l’exposition et du risque sur la santé, tant pour les travailleurs que pour la population. Pour ce faire, il faudrait minimalement responsabiliser les propriétaires.

Concernant les travaux faits par les particuliers dans des résidences privées, l’encadrement de la présence d’amiante est tout simplement absent. Pour pallier cette lacune, l’octroi de tout permis de rénovation ou de démolition devrait exiger la démonstration préalable de l’absence d’amiante dans les résidences qui sont susceptibles d’en contenir. Dans le cas où on suspecterait la présence d’amiante, les travaux devraient être réalisés par des travailleurs autorisés.

La toxicité de l’amiante et la santé

Dans son rapport, le BAPE recommande d’abaisser à 0,1 f/cm3 la valeur limite d’exposition des travailleurs à l’amiante au Québec, et ce, dans les plus brefs délais puisque celle-ci est jugée plus élevée qu’ailleurs au Canada et dans plusieurs autres pays. De plus, les commissaires prennent acte du fait que les fibres d’amiante, d’une longueur inférieure à cinq micromètres, sont désormais reconnues par la science pour leur potentiel toxique.

Ils croient qu’il serait indiqué que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) renforce les mesures de protection et de prévention pour les travailleurs et qu’elle mette en place un registre des personnes exposées à l’amiante en vue d’obtenir une évaluation juste des dossiers. Tous les travailleurs susceptibles d’œuvrer en présence d’amiante devraient obtenir une licence à cet effet après avoir suivi une formation théorique et pratique obligatoire.

Selon le BAPE, il serait nécessaire que certaines modifications soient apportées à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour alléger ce processus et pour permettre au travailleur touché de préparer une défense adéquate de son dossier.

L’air ambiant, le sol et l’eau

Au cours de son mandat, la commission d’enquête s’est aussi penchée sur d’autres enjeux majeurs entourant l’exposition de la population à l’amiante. Concernant sa présence dans l’air ambiant, les données disponibles actuellement ne sont que parcellaires et aucun suivi systématique n’a été réalisé.

Deux démarches seraient ainsi requises, soit entreprendre la caractérisation des concentrations relatives au bruit de fond, particulièrement dans les régions ayant un passif minier amianté, et de s’assurer que celles-ci n’augmentent pas, même en présence d’éventuels projets de valorisation des résidus miniers amiantés.

Par ailleurs, en dépit de sa toxicité, l’amiante n’est pas inclus à la liste de contaminants dans le Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains. Néanmoins, les sols contenant de l’amiante devraient faire l’objet d’un avis inscrit au registre foncier et être inventoriés au registre des sols contaminés. De façon plus spécifique, les sols de la région de Thetford Mines sont plus susceptibles de contenir de l’amiante en raison de la géologie de cette région, d’une utilisation fréquente et sur une longue période des résidus miniers amiantés pour les travaux de génie civil, ainsi qu’en raison de la présence de sources de contamination toujours actives telles que l’érosion éolienne à partir des haldes.

À la lumière de ce qui précède, la commission d’enquête considère comme étant illusoire l’approche adoptée par le ministère de l’Environnement pour la gestion des remblais qui consiste à décontaminer petit à petit toute la région en exigeant que les sols contenant de l’amiante soient remplacés par des sols propres. Pour la commission d’enquête, un sol dont la concentration en amiante est inférieure ou égale à une concentration locale, qui demeure à être établie, pourrait être admis comme remblai. Il faudrait toutefois que l’on s’assure de l’application de mesures adéquates de recouvrement ou de confinement.

Enfin, en ce qui concerne la qualité de l’eau, le ministère de l’Environnement n’a pas documenté l’effet des haldes de résidus miniers amiantés sur les différentes composantes biologiques des écosystèmes aquatiques et n’a pas réalisé de suivis périodiques. Pourtant, les quelques données existantes concernant la région de Thetford Mines illustrent que leurs effets sur la qualité de l’eau de la rivière Bécancour se sont maintenus au fil des années.

La commission d’enquête croit que tout devrait être mis en œuvre pour que l’impact de l’érosion des haldes soit atténué grâce à différentes stratégies d’aménagement adoptées temporairement jusqu’à leur restauration.

Le rapport complet du BAPE est disponible à l’adresse suivante : https://voute.bape.gouv.qc.ca/dl?id=00000156531

La synthèse du rapport est disponible ici.

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